Maria Agresta, divine Norma au Théâtre des Champs-Elysées
Marco Berti (Pollion), Sonia Ganassi (Adalgise), Maria Agresta (Norma) © Vincent Pontet
Le challenge était colossal. Rôle hors norme, la Norma de Bellini est malgré elle prisonnière de l'immortelle Maria Callas. Ce personnage écrasant, Maria Agresta l'a dompté pour le faire devenir sien. Après deux ans de dure préparation, la soprano italienne lui confère voix et âme avec une aisance confondante sous nos yeux ébahis. Prêtresse respectable et toute puissante dans le premier acte, puis femme succombant à toutes les passions dans le second, mère aimante d'un bout à l'autre de l'ouvrage, Maria Agresta nous guide dans les enfers où survit l'âme agitée de Norma. La voix s'épanouit dans les aigus comme dans les graves et hisse un « Casta Diva » foudroyant aux cimes du sublime. Dans cet instant suspendu, l'auditoire coupe son souffle pour n'entendre que le sien. Et ne le reprendra qu'à son expiation. Les notes s'étirent sans difficulté, la voix ne faiblit pas. Maria Agresta est Norma. Elle respire, aime et haït, expire dans sa chair.
Grande artisane du rôle, Sonia Ganassi émeut par son empathique et juvénile Adalgise, à la fraîcheur intacte malgré les reprises. La mezzo-soprano à la voix de velours embrasse le « Mira, O Norma » avec délicatesse. L'alchimie entre les deux femmes est une évidence et lors d'un magnifique « Si, Fino All'Ore Estreme », leur amitié transpirante semble inébranlable. Marco Berti joue et chante de manière austère voire alexithymique. Son Pollion, chemise ouverte et torse bombé, n'est ni un père déchiré ni un guerrier puissant ni un amoureux perdu, c'est un séducteur éconduit. De son amour inconditionnel, de ses failles, dans son suicide pour Norma, ici, on ne voit rien, on ne ressent rien à part de l'incompréhension. Oui, on se demande ce qu'elles lui trouvent.
Les rôles secondaires paraissent bien discrets. Riccardo Zanellato peine à donner le change et imposer la carrure nécessaire au rôle de père trahi. La Clothilde de Sophie Van de Woestyne et le Flavius de Marc Larcher laissent peu de souvenirs.
Norma (Maria Agresta) implore son père Orovèse (Riccardo Zanellato) © Vincent Pontet
Mouvementé par les belles chorégraphies de Johanne Saunier, le Chœur de Radio France nous submerge, lorsque réunis, ils lancent enfin l'appel à la guerre ou sanglotent lorsque le masque de leur prêtresse tombe. A la baguette, le maestro Riccardo Frizza mène la partition de Bellini bon train et entraîne l'Orchestre de Chambre de Paris dans une éclatante interprétation de l'ouvrage.
A triple fond, la mise en scène sobre de Stéphane Braunschweig sert le drame avec une économie astucieuse : l'utilisation d'un bonsaï et de son ombre portée en guise de Chêne pourrait paraître surannée mais poétise la précarité des Gaulois et de leurs rites, quant au drap de velours rouge exposé derrière le lit des enfants, il surligne la piteuse double vie de Norma. Les décors, parfaitement à l'échelle, enserrent la distribution, modèlent les Chœurs et se modulent à la mesure du drame.
Aux saluts, le verdict du public tombe sans surprise. Grande triomphatrice de la soirée, Maria Agresta, un enfant dans chaque main, est accueillie sous les bravos. Les applaudissements cueillant le reste de la distribution se taisent pour mieux laisser entendre quelques protestations à l'endroit de Marco Berti, puis Stéphane Braunschweig apparaît sous de copieuses huées. Malgré une conception de l'ouvrage discutée, la performance de Maria Agresta s'impose, manifeste.
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