Petra Lang et l'Orchestre français des jeunes à la Philharmonie de Paris
En commençant avec
l'Ouverture des Maîtres chanteurs de Nuremberg de Richard Wagner, l'orchestre ouvre une première partie germanique avec brio.
Le son est tout de suite très dense et chaleureux. Dans cette
acoustique et par ces températures hivernales, il donne envie de s'y
emmitoufler avec délice. Si les cuivres sont un peu forts, laissant
parfois peu de place aux cordes qui jouent très legato, ils
manifestent un travail bien préparé, avec les percussions. Cette
phalange-ci ne manque certainement pas de fraîcheur et d'enthousiasme (grande qualité des orchestres de jeunes) et prouve
même assez vite son professionnalisme.
Petra Lang effectue alors son entrée, pour offrir au public quatre des huit Lieder composés vers 1920 (sur des poèmes de Rainer Maria Rilke) par Clemens Krauss, chef d'orchestre autrichien ayant notamment participé à l'écriture du livret du Capriccio de Richard Strauss. Ses Lieder sont très peu connus et ont été orchestrés, assez récemment, par un compositeur allemand né en 1974 (Michael Bastian Weiss). La chanteuse allemande, grande habituée des grands orchestres, n'est nullement gênée par la puissance de cette formation, qui pourrait malgré tout mesurer davantage son volume. La voix a vécu, bien entendu, mais elle est ainsi très expérimentée et semble même faite de caoutchouc tant elle est malléable, sans pour autant négliger les consonnes, toujours très présentes. L'orchestre trouve, en contrepoint, des contrastes et couleurs malheureusement interrompus un peu trop tôt par les applaudissements d'un public enthousiaste.
Aux quatre Lieder de Krauss suivent ceux de Strauss : Die heiligen drei Könige aus Morgenland, Wiegenlied, Morgen! et Cäcilie. Cette fois-ci, la mezzo-soprano chante par cœur, visiblement habituée de ce répertoire dans lequel elle semble plus à son aise. Elle raconte avec beaucoup de tendresse le parcours des trois rois mages jusqu'à la maison de Joseph. Malheureusement, dans le féerique Wiegenlied, la voix est trop engorgée, et trop forte par rapport à la sublime nuance que lui offre pourtant l'orchestre.
Dotée d'une longueur de souffle époustouflante, Lang semble chanter avec autant d'aisance que si elle parlait, et trouve finalement plus de magie dans Morgen! que dans la berceuse. Le premier violon, très attendu dans ce Lied, y réalise une performance remarquée, mis à part quelques démanchés un peu baveux. La chanteuse prend aussi quelques libertés rythmiques dans Cäcilie, mais avec toute la vigueur nécessaire et une facilité impressionnante pour une mezzo-soprano, comme née Straussienne.
Après l'entracte, c'est l'orchestre seul qui revient, avec la suite Le Chant du Rossignol d'Igor Stravinsky, et La Mer de Claude Debussy. La direction de Fabien Gabel est très juste, quoiqu'un peu lente au début de La Mer. Cela n'ôte rien à son engagement, menant le très sollicité pupitre de bois parmi un orchestre à la hauteur de sa réputation d'excellence. Les musiciens ont visiblement leurs aficionados dans la salle, qui s'en donnent à cœur joie pour les féliciter d'un concert plus que réussi.