Les 3 ténors français fêtent la musique à l’Opéra Confluence du Grand Avignon
Les extraits du grand répertoire lyrique se mêlent aux medleys de comédies musicales dans un concept imaginé par Jean-Claude Calon qui ouvre idéalement cette période de festivités hivernales.
Sous l’armature en bois de l’Opéra Confluence, la trentaine de musiciens de l’Orchestre Régional Avignon-Provence s’installent sur scène, disposés un peu en retrait et sur le côté comme le serait un orchestre accompagnant un concert de variété. Le programme débute de suite avec les trois héros de l’après-midi, interprétant ensemble « Questa o Quella » extrait du Rigoletto de Verdi, dans lequel Jean-Pierre Furlan fait déjà entendre une glorieuse note finale. Florian Laconi reste seul sur scène pour interpréter « E lucevan le stelle » de la Tosca de Puccini, dans une ambiance rendue intime et agréablement sombre grâce aux lumières bleutées. Soutenu par un joli solo de clarinette, Florian Laconi captive aisément avec son timbre corsé et la tendresse de son interprétation. Il est toutefois dommage que l’orchestre ne soit pas aussi réactif à ses différentes intentions, pourtant toujours justifiées musicalement.
La première surprise musicale arrive alors, les trois chanteurs se réunissant pour « La Quête » extrait de L’Homme de la Mancha (1965), comédie musicale de Mitch Leigh. Bien qu’ils n’en aient nullement besoin, leurs voix sont sonorisées, amplifiant leur puissance déjà naturelle, jusqu’à parfois en devenir douloureuses pour l’oreille. La compréhension du texte en souffre également, malgré la diction remarquable de Florian Laconi, aussi sûre que son aisance dans ce répertoire. L’atmosphère nocturne emplit de nouveau la salle, jusqu'au moment où Christophe Berry entonne « Ah ! Lève-toi soleil » (extrait de Roméo et Juliette de Gounod), un astre qu’il appelle de son timbre épanoui et rayonnant. Les couleurs des lumières se réchauffent pour accueillir ensuite Jean-Pierre Furlan et le Chœur de l’Opéra Grand Avignon dans le célèbre et poignant « Nessun Dorma » (Turandot de Puccini). L’investissement du vaillant ténor, ajoutant à la puissance de sa voix radieuse, suscite autant l’enthousiasme du public que précédemment avec ses deux collègues.
La batterie et les cuivres, dirigés depuis le piano par Didier Benetti, rythment un premier medley de chansons : Christophe Berry se lance dans Volare, puis Jean-Pierre Furlan dans La vie en rose et ensuite Florian Laconi dans O sole mio. Furlan termine le tout en belles nuances avec Parla più piano, nuances dont l’orchestre se montre hélas bien moins dispendieux. Preuve même du volume déséquilibré et sans doute d'un défaut de retours dans l'amplification, l'ensemble est souvent en avance sur le chanteur. Berry répond à son tour avec le touchant air « Una furtiva lagrima » de L’Élixir d’amour (Donizetti) montrant ses talents de conteur, sublimés par ses agréables lignes vocales.
Après l’Italie, Laconi emmène l’auditeur en Espagne avec « No puede ser » extrait de La Taberna del Puerto de Pablo Sorozábal. Les bravi saluent son assurance et sa présence, tant vocales que scéniques. Contrairement aux cordes, le ténor ne cède pas au lyrisme de son chant et préfère révéler le sens de son texte. C’est au Pays du sourire, avec ses couleurs vaguement asiatiques, que les trois français se partagent le chant « Je t’ai donné mon cœur » sans que jamais la différence de leurs timbres ne brusque.
Pour prendre alors la route de la Grande-Bretagne, rien de mieux que les Beatles. Florian Laconi prend même sa guitare pour se joindre à l’accompagnement orchestral, fort bien arrangé. Les qualités du chanteur se retrouvent aussi dans sa technique instrumentale : il se montre extrêmement attentif et très réactif aux différents changements de tempi (autant qu'intelligible dans la langue des Beatles). La Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon les rejoint pour un émouvant Imagine de John Lennon.
L’Angleterre n’était qu’un élan pour traverser l’Atlantique, avec notamment des extraits du West Side Story de Leonard Bernstein (America, Maria, Tonight). My way de Frank Sinatra fait ensuite office de prélude à son New York, New York, aussi pétillant que le chef Didier Benetti est sautillant. Comblant la richesse de ce spectacle, après quelques pas sur le devant de la scène, les ténors laissent place au chœur et aux dix danseurs du Ballet de l’Opéra Grand Avignon. Le public, ravi de ce numéro venu tout droit de Broadway, frappe allègrement des mains.
New York est sans aucun doute fascinante, elle rend d'autant plus charmant le retour dans la patrie, avec un nouveau pot-pourri. L'occasion de découvrir leurs talents d’instrumentistes lors d’un petit bœuf (improvisation sur une grille d’accords) : Florian Laconi reprend sa guitare, Jean-Pierre Furlan brandit sa trompette et Christophe Berry fait quelques notes sur le clavier du chef. Plus amusant encore, ils se lancent aussi dans un moment en scat (chant avec onomatopées), avant Luis Mariano. Brel mène à Verdi avec deux visions pour le moins contrastées des relations sentimentales : Quand on a que l’amour et « La donna è mobile » (Rigoletto) dans lequel les ténors montrent leur capacité de souffle et une triomphale note finale, avant Amazing Grace.
« C’est déjà fini ?! » s’étonne une spectatrice. Heureusement, les trois étoiles du jour sont rejointes par le chœur et la maîtrise pour chanter de nouveau un enthousiaste « Nessun Dorma » puis New York, New York avec les danseurs du ballet et Jean-Claude Calon, terminant ce spectacle comme il le fut tout du long : élégant, surprenant et festif !