Roberto Alagna, Aleksandra Kurzak et Puccini in love au Théâtre des Champs-Élysées
Ainsi se succèdent sur scène quelques couples célèbres : Tosca et Cavaradossi, Manon et Des Grieux, Butterfly et Pinkerton mais également des couples moins connus comme Minnie et Johnson de La Fanciulla del West. Alternant duos, airs et intermèdes orchestraux, ce récital recrée un nouvel opéra que l’on pourrait intituler : « Histoire de couples ». Car c’est bien leur amour que célèbrent les deux artistes au travers de ces extraits, paroxysmes de l’émotion et de la passion. Ils marient leurs timbres et leur musicalité, et, ne reculant aucunement devant la difficulté des pièces retenues, transforment cette succession de tubes en un concentré d’exaltation pour le plus grand bonheur du public.
Partenaire pour ce récital (dans l’album les deux chanteurs sont accompagnés par l'Orchestre symphonique de Varsovie placé sous la direction de Riccardo Frizza), l’Orchestre Lamoureux dirigé par Emmanuel Plasson accompagne les deux artistes dans un son d’ensemble cohérent (le beau solo de l’alto dans l’Intermezzo de Manon Lescaut est à saluer, le vilain coup de gong dans le duo de Madame Butterfly à oublier). Toutefois, l’orchestre manque parfois de nuances, et couvre parfois les chanteurs.
Roberto Alagna paraît dans une forme vocale éblouissante et délivre des instants d’émotion exceptionnels. Sa voix résonne, lumineuse et puissante, quand il déclare son amour dans "Recondita armonia" le premier air de Tosca. Mais c’est aussi pour son engagement total et sincère qu’Alagna est remarquable et que le public l’ovationne sans réserve après l’air de Johnson "Ch’ella mi creda" extrait de La Fanciulla del West. Ses aigus sans faille s’allient à une profondeur et une rondeur de timbre ainsi qu’un phrasé soutenu. Il comble l’auditoire en reprenant en bis "E lucevan le stelle", air de Cavaradossi dans Tosca. Recevant les ovations du public dans un grand sourire, il n’aura de cesse de faire saluer le chef d’orchestre et de mettre en avant sa partenaire Aleksandra Kurzak.
Chaleureusement applaudie elle aussi, la soprano continue de surprendre dans un répertoire croissant. Finies les Reines de la nuit ou les Olympia, la voilà qui aborde les grandes tragédiennes du répertoire bel canto et vériste (elle vient de triompher dans Traviata à l’Opéra de Paris, notamment avec son époux). L’émission précise et centrée lui permet de débuter "Vissi d’arte" sur un fil de voix. Le rôle de Butterfly demande un médium soutenu, qu’elle ancre dans des sonorités plus sombres, riches en harmoniques graves. La grande variété de nuances et son engagement dramatique suppléent au manque d’ampleur que nécessitent ces grands airs de Puccini. Le vibrato généreux qui s’allie à un phrasé ample se raidit quelque peu lors des fins d’airs de Tosca et Madame Butterfly, mais ses aigus filés enchantent et l’air "O mio babbino caro" lui sied à merveille.
La complicité du couple est aussi bien visuelle (il n’y a pas un duo qu’ils n’achèvent main dans la main, yeux dans les yeux) qu’audible. Leurs timbres se retrouvent dans un bel équilibre, et la force dramatique induite par la musique de Puccini leur convient à tous deux. Dans la deuxième partie, la magie s’opère réellement avec le duo d’amour entre la candide Butterfly et l’ardent Pinkerton. La soprano répond aux appels irrésistibles du ténor "Vieni, vieni" avec de somptueux aigus piano et des sons filés qu’elle fait durer infiniment.
Ce récital est une histoire de couple mais également une histoire de famille (musicale) : Roberto Alagna rend hommage au chef d’orchestre Michel Plasson, père d’Emmanuel Plasson qu’il dit avoir connu tout petit. Et l’histoire ne s’arrête pas là puisqu'en mars, le public parisien pourra applaudir le couple Otello-Alagna et Desdemone-Kurzak à l’Opéra Bastille.