Marseille découvre avec plaisir les Voix Nouvelles 2018
Créé en 1988 à l’initiative du CFPL (Centre Français de Promotion Lyrique) et après avoir compté à son palmarès des noms aussi prestigieux que Natalie Dessay, Stéphane Degout et Karine Deshayes, le Concours Voix Nouvelles a fait son retour cette année après seize ans d’absence. Ouvert aux chanteurs lyriques francophones de moins de 32 ans, il s’est conclu le 10 février dernier Salle Favart avec le sacre de six jeunes artistes lors de la finale. Après un concert inaugural au TCE le 24 septembre, Marseille est la première escale de leur tournée en France et en Belgique.
En l’absence d’Angélique Boudeville, cinq des jeunes lauréats sont présents à l’Opéra de Marseille, rejoints par le plus confirmé Florian Laconi (primé en 2002) qui comble l’absence de ténor dans la distribution. En cohérence avec l’esprit du Concours et de sa finale, le récital débute par le répertoire français du XIXe siècle, tandis que sa seconde partie est consacrée aux airs les plus connus du répertoire italien. Le tout prend soin d’adapter les airs aux spécificités vocales de ses interprètes.
Acteur majeur d’un concert centré sur le lyrique, l’Orchestre Philharmonique de Marseille ouvre la soirée avec la très belle Ouverture du Phèdre de Jules Massenet. Au diapason de ce bain de jouvence, il est mené par Victorien Vanoosten, 34 ans, habituel chef assistant de Lawrence Foster. Sa direction énergique et passionnée fait particulièrement mouche sur les deux pièces instrumentales du programme (l’ouverture et l’Intermezzo de Manon Lescaut). Elle est efficace et rigoureuse, sans prise de risques, sur les airs d’opéra. Les solos du clarinettiste Valentin Favre et du violoncelliste Xavier Chatillon sur Puccini sont très réussis.
Caroline Jestaedt (27 ans) ouvre le récital : sa voix agile, riche en vibrato brille encore plus sur le "Duo des Fleurs" de Delibes que sur l’air de la Fée inaugural. Elle s’illustre à nouveau sur "Caro Nome" avec une belle clarté et des graves solides, et fait preuve de beaucoup d’aplomb sur cet air très exigeant en termes de vocalises. Sa Malika sur le "Duo des Fleurs", la mezzo-soprano Eva Zaïcik (29 ans), révélation aux dernières Victoires de la Musique, ravit le public de nombreuses apparitions. Avec Delibes, sa plus mémorable est peut-être sur La Grande-Duchesse de Gerolstein d’Offenbach où elle clame avec beaucoup de malice son amour pour les militaires. Sa voix claire est bien placée et sa présence scénique enthousiasmante. Eva Zaïcik se montre également convaincante en Carmen sur la Séguédille et encore plus sur "Cruda Sorte", avec de beaux aigus libérés et un timbre clair plein d’assurance.
Le ténor Florian Laconi fait figure de vétéran de la soirée. Il se donne étrangement la réplique tout seul sur l’air de Kleinzach des Contes d’Hoffmann, en l’absence de chœur. Sa belle projection et sa diction impeccable, en français comme en italien, restent constantes tout au long de la soirée. Il démarre ensuite légèrement en retrait sur "E lucevan le stelle", mais ses aigus finaux enthousiasment à raison le public. "À quoi bon l’économie", issu du Manon de Massenet, ne rend pas forcément justice au baryton Anas Séguin (28 ans) mais sur l’air aussi célèbre qu’exigeant qu’est "Largo al factotum", son agilité vocale et son charisme scénique font merveille. Il se permet même de briller sur des parties de ténor du Brindisi, un beau gage de polyvalence.
Enfin, première lauréate et benjamine des finalistes du Concours, la soprano lyrique Hélène Carpentier (22 ans) se montre insolemment à l’aise à chacun de ses passages sur scène : elle joue de sa jeunesse innocente sur l’air des Bijoux de Faust, puis déploie des aigus faciles sur "Prendi per me sei libero". On en vient presque à regretter de ne la voir que sur deux airs et demi, puisqu’elle partage la Violetta du Brindisi final avec ses consœurs Eva Zaïcik et Caroline Jestaedt.
Le public marseillais aura le plaisir d’apprécier l’évolution des lauréats et leur présence sur la scène lyrique dès cette année : ainsi verra-t-on Hélène Carpentier en novembre dans la Donna Del Lago, et Anas Séguin au printemps prochain dans Rigoletto.
Voix Nouvelles : revoir la finale régionale à l'Opéra de Marseille
et la grande finale :