Un voyage hors du temps à La Seine Musicale avec Accentus
Les artistes du chœur Accentus, polyvalents, savent s’adapter aux exigences techniques propres à chaque répertoire, chaque époque, rendant ainsi honneur à la qualité du travail et à l’investissement des chefs qui collaborent avec eux. Eamonn Dougan, chef d’orchestre associé de l'Ensemble The Sixteen, a su préparer et tirer partie des qualités du chœur pour ce programme constitué d’une première partie accompagnée à l’orgue et au théorbe sur un répertoire d’œuvres sacrées d'Henry Purcell et d’une seconde avec un continuo (constitué d’un orgue, d’un violoncelle et d’un violone) sur des motets de Johann Ludwig Bach, Johann Christoph Bach et Johann Sebastian Bach. Le chef a une gestique très expressive et une implication telle que le public peut ressentir l’énergie débordante qui parcourt parfois son corps de la tête aux pieds, notamment lorsqu’il dirige « In the midst of life » (issu de Music for the funeral of Queen Mary de H. Purcell) ce qui donne un intéressant contraste avec la sobriété apparente des choristes, statiques et vêtus de noir. Il communique clairement chaque intention, allant parfois même jusqu’à décomposer le phrasé en dirigeant chaque note chantée sur « Ich lass dich nicht » de J.S Bach.
Le chœur est équilibré la plupart du temps et il est des moments où, par exemple sur le « Miserere » de H. Purcell, les pupitres et les individus disparaissent pour laisser place à un instrument unique au service de la composition. Les contralti se montrent néanmoins souvent plus discrètes en particulier sur « Remember not, Lord, our offences » (H. Purcell) où seules les voix des contre-ténors ressortent, et les basses les couvrent pendant « Man that is born of a woman » (Music for the funeral of Queen Mary – H. Purcell). L’homogénéité est cependant notable au sein même des pupitres. Ainsi le public peut-il profiter du son parfaitement clair des sopranes sur « I was glad » de Purcell et d’un pupitre de basses solide et particulièrement mis en valeur dans la deuxième partie du concert après l’arrivée du violone qui rend les graves d’autant plus imposants et profonds.
Cette cohésion exceptionnelle permet à l’ensemble de produire une musique aux nuances soignées, des pianos doux, tenus et toutefois parfaitement audibles dans « Fürchte dich nicht » de J.C Bach ou le final pianissimo d’une précision bouleversante « Das ist meine Freude » de J.L Bach, aux forte assumés dans « In the midst of life » de Purcell : Accentus parvient à émouvoir et tenir en haleine son audience. Les choristes exécutent parfaitement, avec clarté et précision, les vocalises rapides de « Unsere Trübsal » de J.L Bach.
Certains choristes deviennent solistes le temps de quelques mesures pour deux des pièces proposées. Si les soprani s’en sortent remarquablement bien, en particulier Céline Boucard qui offre au public des trilles raffinés pendant « Beati omnes qui timent Dominum » (H. Purcell) face à la basse Sébastien Brohier dont les vocalises tendent à perdre légèrement de précision rythmique et à manquer de vélocité, il n’en est pas de même pour tous. Lors de l’interprétation de « Let mine eyes run down with tears » de Purcell, l’auditoire peut regretter les quelques déséquilibres de volume et de couleur lorsque les solistes font leur entrée les uns après les autres. Le timbre de Sébastien Brohier, un soupçon trop sombre, contraste avec les voix claires et projetées de Sean Clayton (ténor) et Catherine Padaut (soprano) qui elles-mêmes amènent une énergie nouvelle, malheureusement désamorcée lors des interventions du contre-ténor altiste Arnaud Raffarin manquant cruellement de volume, de clarté et dont les excursions en voix de poitrine sont mal assurées.
Enfin le continuo est très discret, à la limite de l’audible tout au long du concert. En première partie, l’orgue et le théorbe n’ont de réelle présence que lorsque le chœur est dans des nuances en-deçà du mezzo-piano. Dans la suite du programme, le violone est le seul à imposer réellement sa présence grave en la magnifiant et se mêlant aux voix. Le son du violoncelle ne parvient quant à lui clairement à l’oreille du public que lorsque Kathrin Sutor doit jouer forte et fortissimo – le « Komm, Jesu, komm » de J.S Bach la met très bien en valeur – et en staccato sur « Thou knowest Lord » de Purcell.