Festif et brillant hommage à Rossini par Daniele Rustioni et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon
Gioachino Rossini (1792-1868) marqua son temps, particulièrement dans le répertoire opératique : son caractère bon vivant, parfois fort mais toujours sympathique, imprègne ses œuvres brillantes et virtuoses, qu’elles soient catégorisées opera buffa ou opera seria. À l’occasion de la commémoration des 150 ans de sa disparition, le Consulat général d’Italie à Lyon et l’Institut italien de Lyon invitent l’Orchestre de l’Opéra des lieux en la Chapelle de la Trinité – bâtiment exceptionnel et historique situé à 240 mètres de l’Opéra. Pour ce concert hommage au compositeur transalpin, il faut évidemment un chef italien plein de vie, en l'occurrence le chef permanent de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni. Pour défendre les quelques airs lyriques, trois talentueux jeunes solistes du Studio de l’Opéra de Lyon ont été soigneusement choisis.
La soirée débute avec la célèbre ouverture du Barbier de Séville. Sous la direction de Daniele Rustioni, la musique ne manque pas de vie, l’orchestre faisant entendre de forts contrastes, aux accents précis mais pas secs pour sonner au mieux dans l’acoustique de l’église. La gestique du chef est certes spectaculaire, elle est également efficace musicalement : l’ouverture est une véritable histoire, avec des personnages aux caractères bien définis. Cela s’entend dans les moindres intentions, quitte à ce que quelques-unes soient un rien exagérées et puissent prêter à sourire, tels les col legno (frappés avec le bois de l'archet) soudains des violons 2 et des altos, aux effets certains. L’orchestre, malgré ses jeux divers et affirmés, se fait extrêmement propre, particulièrement lors des passages rapides.
La soprano Caroline Jestaedt s’avance sur scène pour se mettre dans la peau de la Comtesse Adèle avec son air désespéré « En proie à la tristesse » extrait du Comte Ory. Son attention au texte est sa première qualité, rendant son discours très compréhensible, évidemment moins dans les passages virtuoses et aigus. Sa voix est homogène dans toute sa tessiture, proposant de très jolis graves et des aigus incisifs. Son vibrato serré peut parfois se confondre avec ses trilles mais ses vocalises se montrent sûres et maîtrisées. Bien que sa voix ne manque pas de projection, elle gagnera assurément en puissance pour surpasser celle de l’orchestre. La soliste est accompagnée avec attention par la phalange, Daniele Rustioni personnifiant le chant, secouant la tête ou sa main lors des vocalises, amusant parfois le public. Celui-ci applaudit chaleureusement la soprano pour la qualité de son interprétation.
L’ouverture de La Cenerentola est prise dans un tempo relativement sage, pouvant paraître un rien lent et n’ayant pas autant de caractère que l’ouverture précédente. Cependant, les intentions sont toujours aussi claires, affirmées, grâce à des musiciens rigoureux et très réactifs aux gestes dansants, précis quand il le faut ou caressants pour accompagner le chant d’un instrument solo. C’est au tour de la mezzo-soprano Clémence Poussin de ravir le public avec l’air final de Cenerentola « Nacqui all’affanno… Non più mesta ». Elle impressionne par sa gestion de souffle, ses vocalises virtuoses et ses aigus bien réussis. Son timbre fruité et délicat ravit le public qui l’applaudit avec enthousiasme. Elle laisse place au ténor Grégoire Mour pour l’air de bravoure de Ramiro « Principe più non sei… Si ritrovarla » extrait de la même œuvre. Le ténor se montre maître de tous les paramètres de son chant : projection de sa voix, soin de sa diction, assurance de ses phrasés. Son parfait contrôle est un peu brusqué dans les passages les plus virtuoses, dont il ne manque qu’un certain naturel pour séduire pleinement le public, déjà conquis par la richesse et la fraîcheur de son timbre.
L’orchestre interprète ensuite superbement l’ouverture du Turc en Italie. Après un très réussi solo lyrique du cor, les facétieux violons se lancent dans un passage plus tempétueux. Outre la gestion attentive et constante des équilibres de l’ensemble, Daniele Rustioni façonne le personnage de chaque instrument, telles l’intervention taquine et enfantine de la clarinette ou celle joueuse et fière de la trompette. Au-delà du divertissement que cela peut produire, chaque thème et motif gagne ainsi en sens, en parfaite cohérence les uns par rapport aux autres. L’orchestre se montre tout aussi excellent dans l’accompagnement coloré du magnifique trio final « À la faveur de cette nuit obscure » du Comte Ory. Comédien, Grégoire Mour soigne toujours autant sa diction. Caroline Jestaedt est également toujours convaincante. Il faut un peu tendre l’oreille pour entendre Clémence Poussin, seule voix grave du trio qui ressort bien plus dans son registre aigu. Sa voix est néanmoins très agréable, empreinte d’une certaine simplicité appréciable.
Le programme se termine avec la vivante ouverture de L’Italienne à Alger, aux accents brillants et aux passages autant lyriques que virevoltants. La direction bondissante du chef italien exhorte l’orchestre à faire entrevoir l’histoire entière de l’opéra par ce seul extrait. Chaleureusement applaudi, Daniele Rustioni ne se laisse pas prier longtemps pour offrir en bis une interprétation déchaînée et festive de l’ouverture de Guillaume Tell. À l’image de leur chef, tous les musiciens prennent un réel plaisir, notamment le cymbalier dont Rustioni, amusé, doit doser l’enthousiasme avec une certaine malice. L’enthousiasme est absolument communicatif, le public acclamant de bravi l’orchestre dès la note finale.