Création française de la Grosse Messe (1739) für Bach and Luther
A partir de 1726, Jean-Sébastien Bach (1685-1750) publie d’importantes œuvres pour clavecin et orgue dans un recueil intitulé Clavier-Übung (« Travail du clavier »). Le troisième volume de cet ouvrage est constitué d’une messe pour orgue que l’organiste belge Wouter Dekoninck a transcrit pour orchestre et chœur. Il créé alors des parties vocales, ajoutant à la musique des textes de chorals luthériens, en allemand. L’adaptation de cette messe allemande est alors intitulée Grosse Messe (1739) für Bach and Luther. Par ses similitudes stylistiques, l’œuvre est mise en regard de la Missa brevis en sol majeur BWV 236 et introduite par le dernier mouvement Allegro assai du Concerto en sol mineur BWV 1058, transcrite pour orgue et orchestre.
L’orgue de l’église de Pontaumur est la fierté du Festival Bach-en-Combrailles, dont l’instrument est le fondateur même du Festival créé en 1998. C’est en effet une superbe restitution de l’orgue d’Arnstadt, instrument qui accompagna le début de carrière de Bach. C’est entouré des musiciens de son ensemble Hildebrandt Consort, tous installés sur la tribune de l’orgue, que Wouter Dekoninck débute le Concerto en sol mineur. Son toucher semble empâté, parfois savonneux et surtout sans respiration, donnant l’impression de freiner sans cesse ; à l’inverse du jeu des cordes qui est plus léger. L’ensemble sonne alors peu homogène et le discours musical en est complètement opaque. Tournant le dos à ses musiciens et chanteurs, inconfortablement placés sur la tribune inadaptée, le chef n’est pas plus à l'aise pour le Kyrie et le Gloria de la Messa brevis. La polyphonie du chœur, réduit à une voix par partie, est déséquilibrée et imprécise, et donc incompréhensible du public. La justesse de chacun est également fort douteuse.
Lors de son air « Gratias agimus tibi » (Nous te rendons grâce pour ton immense gloire), la basse Matthew Baker fait entendre un phrasé haché, des médiums pas toujours certains et une voix qui perd en timbre dans l’aigu. Le numéro suivant « Domine Fili unigenite, Jesu Christe » (Seigneur, fils unique, Jésus Christ) est un duetto de la soprano Amélie Renglet et de l’alto Rob Cuppens. La première, remplaçant Emilie de Voght, n'est pas vocalement à l’aise, particulièrement dans l’intonation de ses notes soutenues et certaines de ses attaques ; elle est certainement gênée par la justesse toute aussi approximative des violons dont l’accord souffrent de la chaleur. Le second est plus assuré, notamment dans sa gestion du souffle et du phrasé. C’est ensuite au tour du ténor José Pizarro Alonzo, également suppléant, de présenter son air « Quoniam tu solus Sanctus » (Car toi seul est Saint). Il est visiblement mal à l’aise, ce qui n’échappe pas à son interprétation vocale, dont les intentions de phrasé sont perturbées par une voix serrée et un souffle trop court. Une des difficultés notables pour les musiciens est l’accord dit « Chorton » de l’orgue (diapason du la à 465Hz, soit un demi-ton au-dessus de celui actuel), obligeant particulièrement le hautbois à solliciter ses aigus. Cette difficulté rajoutée aux autres sont des handicaps importants pour le hautboïste dont l’instrument quintoie facilement lors de ses interventions qui manquent cruellement de phrasés et de justesse. Le chœur final est naturellement plus assuré, l’allègre musique aidant.
La deuxième partie de soirée, où le public découvre l’adaptation audacieuse du Clavier-Übung III, est bien plus aboutie. Le dramatique et tonitruant Preludium BWV 552 pour orgue seul montre que Wouter Dekoninck est capable d’un toucher précis et propre. Dans le Kyrie, le ténor José Pizarro Alonzo est plus assuré mais l’oreille de l’auditeur est naturellement plus attiré par les mélodies dansantes des deux violons dans son cantus firmus. Les ensembles vocaux sont ici plus homogènes et juste, gagnant également en précision grâce aux gestes de la basse Arnoult Malfiet, qui se fait le relais du chef. Dans la Sinfonia qui introduit le Gloria, les deux violons manifestent un jeu vivant et attentif, leur archet sautillant sur les cordes avec mordant. La seconde sinfonia souffre de sa lenteur et des difficultés du hautbois solo, devenant alors un numéro stagnant et monotone. La soprano Lieselot de Wilde chante d’une jolie voix dont le phrasé est un peu haché par le texte. Le Die Beichte (La confession) fait entendre d’intéressantes imitations qui entremêlent les voix. De ces jeux contrapuntiques surgit fièrement le cantus firmus avec un jeu d’anches. L’amusant exercice polyphonique des fugati continue lors de l’Agnus Dei, le choral Lob sei Gott Vater g’than (Dieu le Père, sois loué), terminant la soirée sur une bonne note, malgré les conditions difficiles qui marquèrent particulièrement la première partie.