Sotto Voce à Gaveau : de Gershwin à Jacques Brel
Scott Alan Prouty quitte son Amérique natale pour la France en 1986 et fonde Sotto Voce en 1992 à Créteil, s’inspirant de sa propre éducation musicale : comédie musicale, jazz et classique. Il désire transmettre sa passion aux plus jeunes en créant un espace leur permettant de découvrir tous les styles de musique et de développer leurs talents. Sotto Voce n’est pas une chorale scolaire au sens statique du terme : les enfants bougent, dansent, et vivent la musique. Aujourd’hui en résidence au Théâtre du Châtelet et plus de 25 ans après sa création, ce chœur reste unique en son genre.
C’est vêtus de noir et de rouge que les enfants, âgés de 10 à 18 ans, entrent sur scène. Au piano, Richard Davis les accompagne (depuis presque 20 ans) avec une grande précision mais tout en légèreté. L’alchimie entre le pianiste, le chef et les choristes est impressionnante : d’un signe furtif, tout le monde se met en place et la chanson est lancée. Sur certains morceaux, le chef reste sur le côté et ne dirige quasiment pas, se contentant de donner les départs. Cela permet notamment aux enfants de bouger plus librement sur scène : en petits groupes, répartis ou en ligne, ils fixent le public avec intensité. Chaque geste est accompagné d’intention et d’énergie, que ce soit dans la chorégraphie ou dans les gestes plus spontanés.
Parmi les classiques de la comédie musicale, le chœur ouvre la soirée sur Opening Night de Mac Huff, puis enchaîne sur une traduction française des Favorite Things, extrait de La Mélodie du Bonheur par Richard Rodgers. Dès les premiers morceaux, le public familial composé en partie des proches des choristes, applaudit à tout rompre. Les Magical Kingdom de John Rutter et Our Gift for You de Jerry Estes emportent les spectateurs dans une sorte de rêve, grâce aux profondes nuances allant du murmure au tutti harmonique. Cette dernière est notamment accompagnée de langue des signes, que chaque enfant reproduit avec intensité. Les classiques sont également des morceaux de choix : Tourne, danse extrait de La Vie Parisienne d’Offenbach et l’Ave Maria de Caccini font la part belle au répertoire populaire français avec À bout de souffle de Nougaro, Le poinçonneur des Lilas de Gainsbourg ou encore Sous le ciel de Paris d’Hubert Giraud. Gavroches vissées sur la tête, ils multiplient les harmonies et les chorégraphies sans pour autant perdre en précision. Toujours justes, ils chantent dans le masque, ce qui maintient la clarté de leurs voix.
Les enfants et leur chef montrent également leurs exercices d’improvisation à la moitié du concert : chaque enfant produit un mouvement accompagné d’un son, que ses camarades reproduisent, enchaînant mesure par mesure, avant de terminer avec une chorégraphie. Des créations récentes sont aussi au programme, avec le Cabaret Sotto Voce de Maurice Vandaire, arrangé par Emmanuel Touchard ou encore Éclats d’espace de Marc-Olivier Dupin. Le concert touche à sa fin avec l’émouvant Hallelujah de Leonard Cohen, avant de laisser place au jazz dans le Rhythm of Life de Cy Colemann, où les choristes imitent la ligne en contretemps de la contrebasse. Chapitre final de la soirée avec les gospels Going up a yonder de Walter Hawkins et Clap yo hands de George Gershwin. Si le premier célèbre les harmonies verticales et la mélodie, le dernier fait swinguer le public qui ne peut se retenir de « clapper » avec eux. Point final du programme avec un retour à la francophone Bruxelles de Jacques Brel, avant un tonnerre d’applaudissements, qui en réclame encore. C’est avec le final de A Chorus Line de Marvin Hamlisch et coiffés de borsalinos rouges à sequins que le voyage se termine : Broadway, tout le monde descend !
Pour remercier le public de son accueil, le chef demande alors à tous de joindre les enfants sur une ultime chanson. Partition de Music is Everywhere d'Ivo Antognini distribuée dans les rangs, petits et grands se prêtent alors au jeu, encouragés par les choristes tout sourire.