A cappella triomphal pour Voces8 à l’Arsenal de Metz
L’ambiance estivale du moment trouve un écho dans la légèreté et la joie véhiculées par le concert. La première partie est l’occasion d’entendre de jeunes choristes d’écoles et collèges environnants, dans le cadre du festival « École en chœur » qui a pour but de « favoriser et développer le rayonnement de l’éducation musicale et du chant choral au sein de l’institution scolaire », selon le texte officiel. L’INECC, centre de ressources pour les pratiques chorales et vocales, est le coordinateur et partenaire de cette action et a assuré la partie éducative avec Paul Smith.
Ce dernier, fondateur de Voces8 et initiateur d’une méthode d’apprentissage de la musique et du chant qui vise également à apprendre aux élèves le travail de groupe, le lien entre musique et lecture, musique et mathématiques, explique que les morceaux présentés par les jeunes choristes ont nécessité six mois de travail. Tous vêtus de rouge et noir, les petits choristes composent un ensemble détendu et visiblement heureux d’être sur scène.
Ce ne sont pas des pièces classiques mais des chansons visant un large public qui sont proposées, « Skyfall » d’Adele entre autres. Accompagnés par l’a cappella de la soprano Andrea Halsey de l’ensemble et dirigés par Paul Smith, les timbres assurés font plaisir à entendre et la joie des jeunes chanteurs est contagieuse. Leur excellente diction de l’anglais, sans une ombre de gallicisme, peut faire espérer qu’ils ont pris grand plaisir à découvrir ou consolider leur lien avec la langue et à en saisir toute la beauté et la musicalité.
Le concert se poursuit avec un net changement d’époque. Bijou de la Renaissance anglaise, « Sing joyfully » de William Byrd est l’occasion pour Voces8 d’inscrire d’emblée l’art du contrepoint au programme. La soprano Eleonore Cockerham lance les premiers accords d’une voix cristalline. Lui succèdent baryton, ténors, contre-ténors et basse, autres composantes de l’ensemble. La basse de Jonathan Pacey résonne divinement et le contrepoint s’achève sur la réunion de toutes les voix sur la dernière syllabe, laissant le public pantois.
Le classique se poursuit avec l’air pour double quatuor de Mendelssohn « Denn er hat seinen Engeln befohlen » (Car il a ordonné à ses anges [de se tenir au-dessus de toi]), pour lequel Paul Smith rappelle au public que le texte porte sur la Résurrection. L’art du contrepoint est à nouveau maîtrisé, la diction allemande est excellente, les aigus des sopranos et des ténors veloutés et chaleureux, et les graves robustes. Quel dommage donc que les derniers instants de grâce véhiculés par l’air soient gâchés par la sonnerie d’un téléphone portable.
Voces8 poursuit avec un extrait des Vêpres de Rachmaninov, Bogoroditse Devo [raduisya] (Vierge Marie, mère de Dieu, [réjouissez-vous]), dans une articulation du russe parfaitement maîtrisée. La douceur des premières mesures cède la place à une intensité qui amplifie la projection vocale, sans que les cordes vocales ne fatiguent sous l’effort. Intercalé entre des morceaux de jazz, les « primi toni » du Magnificat de Palestrina donne à nouveau l’occasion d’admirer l’harmonie polyphonique de l’ensemble.
En résidence au sein de l’ensemble, Jonathan Dove a composé une version d’une prière navajo qui encense le calme de la nature, « In beauty may I walk ». D’abord lent et solennel, le rythme opère une brève rupture sur les mots « beautifully, joyful ! », plus saccadés avant que les dernières mesures ne reprennent une couleur solennelle. Elles ne sont pas sans rappeler celles de l’Agnus dei de Samuel Barber, par le positionnement des voix dans cette dernière ligne musicale et le passage des aiguës aux graves. Les timbres mêlés de Voces8 sont ici riches et convergent pour magnifier la simplicité et l’authenticité du texte.
D’autres morceaux et d’autres genres entrecoupent les instants de recueillement des airs précédemment détaillés. Du Rat Pack, Voces8 choisit « Ain’t that a kick in the head » de Dean Martin. Les ténors Blake Morgan et Sam Dressel se répondent, les voix d’accompagnement deviennent cuivres. Le célébrissime « Sound of silence » de Simon et Garfunkel reçoit un arrangement pour lequel les aigus subtils et vibrés de Sam Dressel conviennent à la mélancolie du texte. La basse toujours assurée de Jonathan Pacey donne la mesure, les voix d’accompagnement se font cette fois à la guitares. Le sensuel « Moondance » de Van Morrison est aussi assuré par des voix jazzy.
Offrir un panel si large permet à Voces8 de montrer sa capacité à adapter les voix à tous les genres musicaux, en conservant toujours la même régularité et la même intensité, du chant religieux au jazz. L’ovation finale du public est la dernière preuve de leur succès !