Maïlys de Villoutreys joue les Cantates italiennes à Grévin
La première œuvre du programme, "Menzognere speranze" (Espérance mensongère) signée Haendel, illustre d'emblée la structure à la base de ces cantates fondées sur un enchaînement systématique de diptyques récitatif/aria. Chaque récit mène à un air et les deux composent un affect, puis une nouvelle paire présente un affect différent et ainsi de suite (et bis repetita placent comme disent les latins : ce qui est répété plait).
Bien droite, comme élancée à la verticale, Maïlys de Villoutreys fait pleinement face au public et ne se tourne, légèrement, qu'épisodiquement, certes pour jeter un regard à sa partition mais presque davantage pour caractériser un personnage détournant le regard de peur ou d'humilité (révélant en outre la légère ouverture d'une si belle et longue robe noire fendue). Fendue et détournée, la voix semble hélas l'être également en cette soirée. Effet d'une fatigue passagère, d'une incertitude, d'un manque de soutien harmonique par les accompagnateurs ou conséquence bien compréhensible d'un excès de précaution dans sa volonté de ménager ses effets et ses moyens face à ce répertoire aussi intime qu'exigeant et dramaturgique, le timbre est en tout cas voilé, les lignes souvent interrompues par des inspirations, le vibrato soudain est tendu, l'aigu serre et le grave se dérobe, fendu. Il reste toutefois à l'auditeur le plaisir de savourer sa prononciation italienne et surtout pour le spectateur l'admiration devant une tragédienne investie (qualité d'actrice que nous avions déjà repérée, de la Philharmonie de Paris jusqu'à la Chaise-Dieu). Cette prestance scénique devient même rapidement le meilleur allié de l'expression vocale, dans la grande forme du recitar cantando, pour la prière de Caldara comme la dramatique Lucrezia d'Haendel.
La chanteuse est accompagnée par le clavecin de Brice Sailly et la viole de Julien Hainsworth, offrant un même abattage roide, marcato et charpenté. Ils sont sûrs de leurs appogiatures rapides, trop sûrs même, au point qu'ils se précipitent (et la ligne avec) vers ces gestes prestes et sautillés. La justesse de leur interprétation est hélas très approximative et les décalages fréquents.
La soirée garde cependant l'intensité de ces cantates, opéras de chambre, miniatures dans la durée et la forme mais dont l'intensité dramatique est d'autant plus concentrée. À ce jeu, Maïlys de Villoutreys n'aura laissé personne de cire, à part Cecilia Bartoli (dans ce Théâtre Grévin qui dispose des statues parmi le public, elle a été récemment rejointe par la terrible cantatrice Marguerite) et un Charles Aznavour qui aura échappé à la blessure récente de son modèle en chair et en os.