Fort beau plateau vocal pour Les Pêcheurs de Perles à Reims
Créée à l’Opéra de Limoges en avril dernier et alors commentée sur ces pages, cette nouvelle production des Pêcheurs de Perles de Georges Bizet fait escale à Reims avant d’être présentée la saison prochaine à l’Opéra de Nice. Bernard Pisani a choisi, avec son décorateur Alexandre Heyraud, son costumier Jérôme Bourdin et son éclairagiste Nathalie Perrier, de privilégier les couleurs franches et un exotisme de bon aloi. Dominé par un soleil éclatant et une grande statue de Bouddha, la scène reflète bien envoûtante île de Ceylan telle que l’imaginaire du 19ème siècle pouvait alors l'illustrer. La présence presque permanente de cinq danseurs-pêcheurs insuffle par ailleurs une vraie dynamique au sein d’une mise en scène traditionnelle et fort sage. Les rapports des personnages manquent de tension, d’intimité les uns par rapport aux autres. Cependant, le spectacle apparaît globalement agréable, propre à ravir l’œil, mais surtout l’oreille.
La distribution vocale est la même qu’à Limoges. Annoncés souffrants, Hélène Guilmette et Alexandre Duhamel donnent toutefois le meilleur d’eux-mêmes dans ces conditions difficiles. Hélène Guilmette incarne une Leïla affirmée, tout en mettant en évidence la fragilité du personnage. Vocalement, la ligne s’avère parfaitement conduite, l’aigu rayonnant mais un rien plus sensible qu’à son habitude. Elle se montre logiquement réservée et soucieuse de préserver ses moyens sur la longueur de l’ouvrage. Son air du deuxième acte, "Me voilà seule dans la nuit", suivi du superbe duo avec Nadir, la montre à son meilleur, et la demi-teinte est un enchantement. Elle trouve, il est vrai, un partenaire de choix dans le Nadir enchanteur de Julien Dran. Avec les années et la pratique de la scène, la voix du jeune ténor s’est franchement affirmée et se déploie sans aucun effort dans ce rôle qui allie franchise de l’émission et délicatesse de style. Son célèbre air du premier acte, "Je crois entendre encore", en représente l’exemple parfait avec un remarquable soutien du souffle, une flexibilité presque aérienne, un bel art de la nuance et un aigu de qualité. Le comédien demeure un peu statique, mais l’émotion s’avère bien présente.
Alexandre Duhamel campe un Zurga qui n’est pas sans évoquer un Gabriel Bacquier par le caractère qu’il donne à ce personnage constamment tiraillé entre ses sentiments et sa situation de chef des pêcheurs. L’autorité et l’assurance qu’il affiche au plan scénique s’affirment tout autant au plan vocal : voix riche et puissante, au timbre sombre et comme parsemé d’éclairs, pouvant s’alléger lors du duo dramatique avec Leïla au troisième acte lorsque cette dernière vient le supplier d’épargner Nadir. Son interprétation s’avère particulièrement riche et convaincante. Très belle présence aussi pour Frédéric Caton en Nourabad. Il donne une vraie consistance à ce personnage austère et antipathique.
Comme à Limoges, Robert Tuohy dirige l’Orchestre, ici celui de l'Opéra de Reims obtenant de ce dernier les couleurs attendues et une belle justesse musicale. Seul le Chœur Elca (Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne), trop sollicité, ne parvient pas réellement à se hisser au niveau des autres interprètes.
Cette production des Pêcheurs de Perles est accueillie avec un bel enthousiasme par le public rémois : le soleil en cette pluvieuse journée de printemps était bien à rechercher au cœur de ce beau théâtre et non à l'extérieur.