Un Songe d’une nuit d’été devenu réalité à l’Opéra de Tours
Durant trois heures, ce spectacle enchante le public qui lui offre un accueil particulièrement enthousiaste. Avec une rare habileté, Jacques Vincey parvient dans sa mise en scène à lier les trois clés de lecture qui sous-tendent l’ouvrage : le monde de la féerie et de l’enchantement, celui de l’amour et des conventions, celui enfin du petit peuple d’artisans un peu fruste certes, mais plein de bonne volonté.
Retrouvez notre présentation complète de cette œuvre
Un enfant présent dès la première scène constitue de fil d’Ariane du spectacle. Il pose un regard à la fois innocent et interrogateur sur le déroulé de l’action, tandis que les fées, coupe au carré de cheveux blonds et maquillage réchauffé d’une touche de rouge vif, prennent une place décisive dans le récit, assistant même au divertissement final. La scénographie (Mathieu Lorry-Dupuy) se veut minimaliste –des rideaux enserrent la scène, des bâches recouvrent les rochers, des bandes de plastique noires descendent des cintres afin de circonscrire les interventions des protagonistes-, mais elle ouvre ainsi la porte sans pesanteur aucune aux actions multiples qui se succèdent et assure leur pleine fluidité. Les costumes (Céline Perrigon) se rattachent au monde contemporain, sauf celui d’Obéron, vaste manteau, et surtout ceux de Tytania, plus fantasques. On ne saurait oublier la beauté des lumières de Marie-Christine Soma, notamment lors de l’endormissement de Tytania à la fin du premier acte avec ce superbe clair de lune qui illumine la magnifique robe immaculée de la Reine des fées.
Superbement réglée, d’une dynamique parfaite, la représentation par les artisans métamorphosés des amours tragiques de Pyrame et Thisbé au troisième acte soulève les rires des spectateurs. Il faut dire que le groupe mené par Bottom le tisserand, interprété par un Marc Scoffoni déchaîné, apparaît d’une cohésion et d’une puissance comique remarquable. La composition de l’âne au deuxième acte par ce dernier, confronté à la passion débordante de Tytania, dévoile l’excellent comédien derrière le chanteur. Sa voix de baryton, belle et puissante, au superbe timbre, convient bien au personnage. Les autres « rustres » sont à l’unisson : Carl Ghazarossian à la voix de ténor limpide et facile campe une Thisbé franchement irrésistible, face à Éric Martin-Bonnet -Quince transformé en lion faussement redoutable- voix percutante et solide, Raphaël Jardin est un Snout composant un mur enchanteur, sans oublier Yvan Sautejeau (Starveling) et Jean-Christophe Picouleau (Snug), artistes du Chœur de l’Opéra de Tours, parfaitement à l’unisson de leurs partenaires.
Le contre-ténor Dmitry Egorov campe un Oberon idéal, voix suffisamment projetée, aux graves d’une rare beauté, plein d’assurance scénique, tandis que Marie-Bénédicte Souquet fait valoir en Tytania une voix pleine et assurée, aux suraigus brillants. Les deux couples d’amoureux s’avèrent fort attachants, Majdouline Zerari mezzo généreuse et au timbre ambré (Hermia) et Peter Kirk (Lysander), jeune ténor anglais au timbre particulier, doté d’aigus faciles et musicien de grande classe, Deborah Cachet (Helena) dont la voix de soprano souple et lumineuse traduit ses affinités avec le répertoire baroque et Ronan Nédélec (Demetrius), autre fort belle voix de baryton. Dans les rôles moins importants de Theseus et Hippolyta, qui n’interviennent qu’au troisième acte, Thomas Dear et Delphine Haidan viennent compléter de leur talent respectif un plateau vocal décidément de grande classe. Et dans le rôle du bondissant Puck, le comédien/danseur/acrobate Yuming Hey fait merveille. Il donne un relief saisissant et presque faunesque à ce personnage atypique.
La partition de Benjamin Britten, avec toutes ses beautés et ses pièges, notamment au niveau de la tonalité, apparaît particulièrement difficile, voire ardue pour certains orchestres. Après un début moins affirmé au niveau des cuivres notamment, Benjamin Pionnier obtient de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours le meilleur de lui-même, dirigeant avec précision mais aussi une totale conviction. Il convient enfin de saluer le travail remarquable de la Maîtrise du Conservatoire Francis Poulenc, préparée avec soin par ses chefs de chœur Sarane Pacqueteau et Alexandre Herviant.