Requiem de Fauré à l’Opéra de Massy par Aedes et Les Siècles
Les Litanies à la Vierge Noire sont composées en 1936 par un Poulenc endeuillé : l’œuvre pour chœur de femmes et orgue est créée à la mort de son ami Pierre-Octave Ferroud, marquant un regain de foi pour le compositeur. Les femmes de l’Ensemble Aedes entrent en scène, placées en demi-cercle et accompagnées par l’orgue qui vient ponctuer leurs voix claires. Les dissonances donnent une impression de rêve, emmené par les harmonies fines. La direction délicate de Romano apporte à l’ensemble beaucoup de douceur. La prière se rapproche progressivement du chant de guerre avec le crescendo central, la musique illustrant la ferveur des paroles.
Mathieu Romano présente chaque pièce et contextualise leur composition pour le public massicois. S’ensuit les Trois Chansons de Debussy dans leur première version méconnue de 1898. Elles mettent en musique les œuvres du poète français Charles d’Orléans (1394-1465), mêlant ainsi influences modales médiévales et harmonies modernes. Armé de son harmonica et donnant les notes de départ, le chef fait maintenant face à l’intégralité du chœur. Le madrigal charmant « Dieu ! qu’il la fait bon regarder ! » laisse place à un dialogue rythmique entre alto soliste et chœur à trois voix sur « Quant j’ai ouy le tambourin ». La soliste projette peu sa voix de fond de gorge mais n’est cependant pas couverte par les « la-la-la » du chœur. Puis l’ensemble entonne « Yver, vous n’êtes qu’un vilain » fortissimo, avant de se diviser en quatuor vocal. Les entrées en imitation donnent un aspect de douceur à la partie centrale du chant, avant le retour du thème.
L’ensemble instrumental Les Siècles rejoint les choristes pour interpréter le Requiem de Fauré dans sa version de 1893. En sept mouvements, elle diffère de la dernière version publiée, notamment par son orchestration plus légère. L’idée de créer sa propre Messe lui vient alors qu’il est Maître de Chapelle à la Madeleine de Paris. Cependant, le compositeur choisit de ne pas mettre en musique les textes faisant trop référence à l’enfer, se considérant agnostique. L’Introït ouvre le Requiem sur un majestueux tutti. Les voix de ténors ainsi que les cuivres donnent une sonorité métallique à l’ensemble, qui fait écho au chœur sur le Kyrie. Les percussions sont un orage menaçant avant un unisson puissant. Les femmes ouvrent l’Offertoire dans une extrême douceur, caressées par le velours des violoncelles et contrebasses. Le Sanctus met le violon à l’honneur, dans une forme proche de la fugue, puis laisse la lumière à une soprano soliste pour le Pie Jesu. Sa voix pleine et chaude est une généreuse supplication, bien que retenue, bouche presque fermée. La puissance divine s’exprime dans l’Agnus Dei où les harmonies apportent profondeur et relief dans un tutti ombrageux qui devient guerrier dans le Libera me : les cuivres sonnent la charge fortissimo sur des cordes en pizzicato, tandis que le chœur exprime la véhémence du texte en legato. Le Requiem s’achève sur les arpèges de l’orgue et des femmes, insufflant l’espoir et la légèreté de l’In paradisium.
Sur les chaleureux applaudissements du public, les musiciens reviennent avec le Cantique de Jean Racine, l’une des pièces vocales les plus connues du compositeur français, qui couronne la soirée d’une mélodie sacrée.