L'Instant lyrique de Stanislas de Barbeyrac à l’Éléphant Paname
Stanislas de Barbeyrac a une très belle voix de ténor français (sans trace de pathos italien), une voix claire, très sonore, avec un format et une belle projection lui permettant d’aborder les rôles héroïques. Une voix longue, pleine de couleurs, sachant filer un son sans jamais passer en fausset. Son pianississimo est absolument magnifique. Cette voix évoque (sans s'y réduire) un Georges Thill au sommet de son art. Il est accompagné au piano par Antoine Palloc, formidable chef de chant, attentif au chanteur, lui procurant un écrin confortable et efficace, sachant créer les climats poétiques et émotionnels propices (particulièrement dans les longues introductions des airs du programme de ce soir).
Dans une première partie “baroque” avec Christoph Willibald Gluck (1714-1787) « Plus j’observe ces lieux » (Armide), Jean- Philippe Rameau (1683-1764) pour « Lieux funestes » (Dardanus) et Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772) « Que l’aurore tarde à paraître » et « Du Dieu des cœurs » (Titon et l'Aurore), il déploie à la fois du style et une matière qui rend justice à la musique et au caractère héroïque de ces rôles. Les airs de Mondonville sont à ce titre très éloquents et donnent à rêver que l’œuvre soit plus souvent jouée.
Un autre champ du répertoire s’ouvre avec « Champs paternels » d'Étienne Méhul (1763- 1817) dans Joseph. C’est là aussi un répertoire peu joué (avec Auber, Boeldieu et bien d'autres) qui a peut-être enfin trouvé en ce ténor un porte-flambeau efficace, grâce à son lyrisme touchant.
Dans « Ah, trop longtemps de mes souffrances », un air en français tiré du Freischütz de Carl Maria von Weber (1786-1826), Stanislas de Barbeyrac montre sa capacité à incarner les jeunes héros romantiques. Ce qui s’affirme de nouveau dans l’air « Ô nature » tiré du Werther de Jules Massenet (1842-1912) où notre chanteur déploie une merveilleuse palette de nuances et de couleurs. Ce qui se confirme enfin dans l’air de Don Carlos, « Je l’ai perdue », de Giuseppe Verdi (1813-1901), avec un legato d’école et un trille final magnifique (la version originelle en français de ce grand opéra est décidément en vogue, après Bastille et Lyon).
Comme dans son récent Lundi musical à l'Athénée, il émeut avec Carmen (par le grand air de ténor : « La fleur que tu m’avais jetée »), où entre vigueur et tendresse il sait déployer un arsenal convaincant de couleurs. Enfin, avec « Nature immense » (La damnation de Faust d'Hector Berlioz), il montre qu’il est déjà un chanteur accompli, avec une palette de répertoire très variée et fait entrevoir, avec une voix large et vibrante de lyrisme, quel fantastique ténor de grand opéra il est appelé à devenir avec le temps. Une belle promesse dans une belle soirée appelée à durer plus qu’un instant !