L'Or du Rhin : Gergiev et le Mariinsky débutent la Tétralogie à la Philharmonie de Paris
Avec L’Or du Rhin présenté à la Philharmonie de Paris, Valery Gergiev entame une présentation en version concertante de la Tétralogie de Richard Wagner qui s’est poursuivie, dès le lendemain, avec La Walkyrie. Siegfried et Le Crépuscule des Dieux seront donnés pour leur part, toujours dans la grande salle Pierre Boulez, les 22 et 23 septembre prochains. Après presque un siècle d’absence des scènes russes, Valery Gergiev a pu finaliser en 2003 son souhait de représenter la Tétralogie en langue allemande dans son théâtre de Saint-Pétersbourg. La venue à Paris de l’Orchestre et de la troupe du Mariinsky constitue donc un événement d’importance et impatiemment attendu.
Tous les artistes entendus sont d’un excellent niveau et certains, notamment parmi les plus jeunes, comme le baryton déjà bien connu sur les scènes internationales Roman Burdenko (Alberich) ou la soprano Elena Stikhina (Sieglinde), entrés tous deux dans la troupe en 2017, révèlent des qualités exceptionnelles. Toutefois, une certaine flamme manque à ce concert : l’émotion fait, hors exception, défaut. Valery Gergiev fait surgir du néant le long et si essentiel prélude orchestral de L’Or du Rhin en étirant comme indéfiniment cette page musicale parmi les plus spectaculaires de Wagner. Les cuivres souffrent un peu et l’orchestre peine ensuite à retrouver des couleurs. Alternant parties très contrastées et fortissimi confondants, la direction musicale de Valery Gergiev mise sur une relative lenteur qui ne facilite pas réellement l’expression.
Au meilleur de la distribution, il convient de placer Roman Burdenko, somptueux Alberich, voix de baryton riche, large et expressive, parfaitement timbrée sur toute son étendue, mordante comme il sied pour ce rôle qu’il incarne avec une ferveur très communicative. Les Filles du Rhin, Zhanna Dombrovskaya, Irina Vasilieva et Ekaterina Sergeeva, (cette dernière dotée d’une voix de mezzo particulièrement chaleureuse) lui donnent une réplique juste et de qualité. La basse Yuri Vorobiev compose un Wotan sûr de ses moyens et surtout d’apparence encore jeune. On croit de fait à son pouvoir de séduction vénéneux. À ses côtés, Mikhail Vekua, avec une voix de ténor typiquement russe au timbre très clair et à l’aigu aisé incarne un Loge virevoltant et diablement rusé. Le Mime déchiré et apeuré d’Andrei Popov, avec ce timbre prenant et si adéquat à ce rôle qui trouvera toute sa signification dans Siegfried, ne peut que marquer les esprits. Il parait au concert comme il le ferait en scène, totalement en situation : il donne réellement le frisson.
La Fricka d’Anna Kiknadze semble un peu en retrait, avec un aigu assez tendu, tandis que la mezzo-soprano Zlata Bulycheva ne possède pas spécifiquement les zones de noirceur propres à l’énigmatique Erda qui requiert un vrai contralto pour conférer toute sa dimension à ce rôle primordial. Excellents et d’une solidité à toute épreuve les deux basses, Mikhail Petrenko (Fafner) et Vadim Kravets (Fasolt). Oxana Shylova éclaire de toute sa blondeur slave et de son soprano épanoui doté d’un vibrato léger et prenant, le rôle trop secondaire de Freia, tandis qu'Ilya Bannik (Donner) et Alexander Timchenko (Froh) complètent le plateau vocal de leur expérience.