La Walkyrie par Gergiev et le Mariinsky à la Philharmonie de Paris
Après L’Or du Rhin, qui constitue le prologue de la Tétralogie de Richard Wagner, les forces du Théâtre Mariinsky, sous la baguette de leur chef Valery Gergiev, proposent La Walkyrie, ouvrage le plus accessible du cycle. Comme pour L’Or du Rhin, l’auditeur reste marqué par la certaine lenteur de la direction de Valery Gergiev qui joue beaucoup sur le legato et sur une certaine forme de retenue. Il met parfaitement en relief tous les superbes pupitres de son orchestre, notamment les cordes et les cuivres ici fort sollicités ou les harpes somptueuses. Toutefois, la fameuse Chevauchée des Walkyries apparaît un peu contrainte, loin de certains débordements peut-être excessifs d’autres chefs. On ne peut qu’admirer la beauté des sonorités, le soin constamment apporté à la ligne, la maîtrise évidente de l’ensemble. Surtout, l’affrontement au troisième acte entre Wotan et sa fille Brünnhilde manque de passion et d’engagement, en dehors même de la problématique de la méforme de l’interprète masculin.
Après un acte II très convaincant, où le baryton-basse Yevgeny Nikitin se montre très habité par son personnage, la voix ne cesse ensuite de s’amenuiser, de perdre en vaillance et en fiabilité, pour livrer une scène des adieux fort difficile à entendre du fait des difficultés rencontrées par le chanteur ! Problème de technique, de fatigue ? Il sera possible de le retrouver prochainement dans le rôle de Klingsor dans la nouvelle production de Parsifal présentée à l’Opéra Bastille à partir du 27 avril prochain : il reste à souhaiter qu’il ait recouvré alors tous ses moyens ! À ses côtés, la Brünnhilde de Tatiana Pavlovskaya, solide, au format demandé, avec une belle plénitude dans le medium et à l’aigu vaillant, à défaut d’être bouleversante, vient le soutenir tant qu’elle le peut en très fine musicienne. Loge dans L’Or du Rhin, Mikhail Vekua aborde Siegmund avec les moyens qui sont les siens, un ténor de caractère certes, mais non le ténor dramatique requis. L’artiste est fort attachant, le chanteur habile, avisé et il se donne avec passion dans ce rôle qu’il assume sur la totalité. Le timbre très clair et le volume un peu serré l’obligent quelquefois à forcer ses moyens dans les moments plus héroïques. Pour autant, il vient juste d’aborder le rôle de Tristan et incarnera les deux Siegfried avec le Mariinsky à Paris. À suivre donc !
La jeune soprano Elena Stikhina, couronnée en 2016 au concours Operalia, voix magnifiquement conduite, à l’aigu superbe et au timbre d’une belle pureté, compose une Sieglinde tout de féminité et particulièrement bouleversante. Perle de la soirée, le public l’a dûment récompensée par des applaudissements enthousiastes. Elle fera d’ailleurs bientôt ses débuts à l’Opéra Bastille dans le rôle de Leonora face à Roberto Alagna dans Le Trouvère (réservations ici). Dans le rôle de la redoutable Fricka, la mezzo-soprano Ekaterina Sergeeva cède un peu le pas, la voix se heurtant aux terribles aigus qui caractérisent les emportements du personnage. Superbe de dignité et d’assise vocale, Mikhail Petrenko incarne un Hunding impressionnant. Habituées chacune de leur rôle respectif, les huit Walkyries présentes — Natalia Yevstafieva (Waltraute), Zhanna Dombrovskaya (Gerhilde), Anna Kiknadze (Grimgerde), Varvara Solovyova (Siegrune), Irina Vasilieva (Ortlinde), Evelina Agabalaeva (Rossweisse), Oxana Shilova (Helmwige), Yekaterina Krapivina (Schwertleite) — composent un ensemble assuré, avec de belles envolées et font preuve d’un métier à toute épreuve.
Prochains rendez-vous pour conclure cette Tétralogie les 22 et 23 septembre prochains avec une bonne partie des chanteurs présents pour L’Or du Rhin et La Walkyrie, dont Roman Burdenko en Alberich et la splendide Elena Stikhina qui interprétera Gutrune du Crépuscule des Dieux.