L'Instant lyrique de Sophie Koch et Joan Martín-Royo à L'Éléphant Paname
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Dès le premier morceau et tout au long du concert, le programme offre un duo de voix à travers des styles variés. Les deux interprètes prennent visiblement plaisir à mêler leurs timbres dans l'air d'une chansonnette Pastorale composée par Saint-Saëns, le répertoire allemand, lyrique espagnol (qu'ils concluent les yeux dans les yeux, le timbre dans le timbre) ou les comédies musicales américaines.
La célèbre mezzo-soprano Sophie Koch (récemment entendue avec Le Chevalier à la Rose à Vienne, en récital à Garnier et parmi les Dialogues des Carmélites à La Monnaie) propose une voix noble, patinée, maturée : un effet renforcé par son menton rapproché de la gorge et ses voyelles ouvertes tirant toutes vers le u. Les Zigeunerlieder de Brahms mettent à l'épreuve son articulation (qui soutient la cadence d'un allemand toujours appliqué) et son soutien (qui hélas faiblit, laissant la voix trembler à travers plusieurs notes). La mezzo déploie cependant les richesses de son large ambitus, notamment dans le dernier Lied du cycle atteignant presque tous les graves. Toutefois et malgré les longues pauses en coulisses entre les morceaux ainsi que durant les interventions du baryton, la voix fatiguée est contrainte à produire des aigus extrêmement tendus et sous la note.
Joan Martín-Royo rend hommage à Rossini, en français, à Barcelone en 2010 :
Les yeux dans les étoiles du plafond, le baryton Joan Martín-Royo assoit son medium grave mais perd en justesse lorsqu'il monte vers les aigus. Malgré sa conscience toute personnelle du tempo, il assume la continuité de sa ligne. Pierre Réach, qui offre en accompagnement un rubato de piano-bar brouillant la ligne en insistant sur des notes complémentaires de l'harmonie, choisit lui aussi un rythme tout personnel. Les deux interprètes se donnent donc rendez-vous au point d'orgue et sur les Lieder de Schubert. En effet, si le pianiste semble déchiffrer le programme espagnol de zarzuelas et óperas chicas (Ruperto Chapí et Pablo Sorozábal) dans lequel le baryton déploie l'aisance de la langue et de la musique maternelles, les mélodies romantiques allemandes sont impeccables, dans les grands arpèges presto du Tilleul, comme pour la célèbre Sérénade.
Don Quichotte offre la transition parfaite entre la musique espagnole et les comédies musicales américaines qui bouclent le programme : L'Homme de la Mancha est en effet le titre d'un musical signé Dale Wasserman et Mitch Leigh. Un répertoire pris avec autant de sérieux par les deux interprètes qui y investissent tous leurs moyens vocaux, levant les Stars des Misérables, cueillant l'Edelweiss du Sound of music et finissant en gravissant son Climb every mountain.
Le couple de chanteurs offre en bis et en duo la mélodie "Je te veux" d'Erik Satie, avec un pianiste dès lors très adapté à ce style salonnard, portant un baryton hidalgo et une femme de Verlaine, "Comme en mil huit cent trente Dans un jaune boudoir".
La soirée s'achève dans le bonheur musical encore rehaussé par le sentiment d'avoir agi pour la bonne cause : les recettes du concert ayant permis de verser un chèque de 8.500€ au Refuge Kol, centre socio-éducatif au Cambodge, géré par l'association Le Refuge dont Sophie Koch est la marraine.