Triple Magnificat par Vox Luminis en l'Église Saint-Roch
Les amples harmonies en quartes résonnent et tournoient dans l'auguste coupole de l'Église Saint-Roch dès l'accordage minutieux des instruments d'époque. Cela n'empêchera hélas pas l'instrumentarium de manquer parfois de justesse, et surtout, le continuo (orgue, viole de gambe et violoncelle) se laissera dissoudre par les résonances, se perdant en lignes floues. Le manque d'appui harmonique et rythmique n'empêchera toutefois pas les violons d'assumer des lignes claires, presque aussi belles que les incomparables hautbois baroques, raffinés, délicatement pincés et placés dans la résonance de l'Église.
Les chanteurs se retrouvent ainsi aisément dans ce soutien. Ils présentent leurs voix distinguées, so british (l'ensemble fut pourtant fondé en Belgique par Lionel Meunier qui fit ses études musicales en France), une allure rehaussée par leurs impeccables tenues, vestes noires et chemises blanches pour Messieurs, dont les cravates pastel colorées répondent aux châles de Mesdames en robes sombres. Le son d'ensemble est homogène et sculpté, laissant paraître avec légèreté des timbres individuels mais toujours harmonieux, dès le premier morceau en allemand : Jauchzet dem Herrn, alle Welt (Gens du monde entier, acclamez le Seigneur) de Pachelbel. Assurant la cohérence globale du programme, cet air est intimement lié au Magnificat (dont il partage la glorification Divine) et à Jean-Sébastien Bach (dont le frère, Johann Christoph Bach, fut l'élève de Pachelbel).
Les qualités vocales (et instrumentales) transparaissent ainsi dès le début du concert, mais les défauts aussi. Ces timbres qui s'assemblent comme les grains formant une plage, se présentent très disparates dans les soli. Certaines voix sont bien timbrées, toutes sont justes et en place, mais elles sont bien plus appréciables dans le son commun, plutôt qu'exposées en solistes. Les voix paraissent alors légèrement fébriles, manquant de luisance dans le timbre ou bien elles sont trop appuyées. Cela étant et même si les vocalises perdent en précision, l'investissement de chacun est remarquable. En somme, il n'aura manqué que des solistes de métier pour produire une version mémorable.
Les ensembles reviennent alors, merveilleux dans les deux Magnificat : celui de Johann Kuhnau puis celui de Jean-Sébastien Bach, son successeur au poste de Cantor de l'Église Saint-Thomas à Leipzig. Par deux fois, les cuivres y claironnent tout en rondeur, mais les trompettes naturelles (si difficiles à jouer avec l'absence de piston) perdent complètement la justesse. Heureusement, comme Dieu "a secouru Israël", Bach secourt Vox Luminis en leur offrant de sublimes mouvements choraux dans des ensembles qui emplissent leur voix et le public de félicité.