Agitata : Vivaldi, Jommelli et Porpora à l’Oratoire du Louvre
C’est dans l’Italie du XVIIe et XVIIIe siècle que nous emmènent Ottavio Dantone et Delphine Galou (qui étaient déjà ensemble à l'affiche d'un captivant Jules César au TCE, moins d'une semaine plus tôt), se focalisant sur le répertoire sacré dédié à la voix soliste en dialogue avec les instruments. L’Ensemble entame ce voyage avec le Concerto grosso en ré (op. II n°2) de Giovanni Lorenzo Gregori (1663-1745), Ottavio Dantone dirigeant ses musiciens (tous debout, à l’exception du violoncelliste et du théorbe) depuis le clavecin. Se balançant de gauche à droite, il rend toute l’expressivité de cette musique sacrée, produisant de belles nuances. A l’issue de cette mise en bouche, Delphine Galou entre en scène avec un extrait de La Betulia libetata de Niccolò Jommelli (1714-1774). La contralto utilise beaucoup d’air et a tendance à détimbrer ses médiums, tandis que ses graves sont peu audibles mais laissent deviner un timbre large. Sa voix est très peu vibrée sauf dans les quelques passages plus aigus, ce qui produit alors de belles résonances. Au fil du concert, la chanteuse reste malheureusement trop attachée à sa partition, limitant ainsi sa palette d’expressions.
Après un dynamique Concerto grosso en ré majeur (op. VI n°4) de Franco Corelli, Galou revient avec le motet In procella sine stella de Porpora. L’air mutin, elle produit de nombreux ornements ainsi que de belles nuances, enrichissant son jeu grâce à des mouvements de mains et des expressions faciales plus variées. Sa voix reste ronde, ses a sont ouverts, bien que légèrement voilés. L’Accademia Bizantina interprète ensuite la Sinfonia dalla Passione di Gesù Cristo Signor Nostro de Caldara (1670-1736), illustrant la passion du Christ tout en mystique et en mystère.
La deuxième partie du concert se centre sur Vivaldi et son célèbre Stabat Mater. Toujours beaucoup sur sa partition, Delphine Galou est plus audible qu’au début du concert, ayant sans doute profité de la première partie pour s’échauffer. Ses graves sont toutefois engorgés et elle semble manquer de souffle à plusieurs reprises sur certains legati redoutables. Elle rend néanmoins une interprétation très appréciée du public, qui l’applaudit chaudement. Après le sautillant Concerto grosso en mi mineur (op. III n°3) de Francesco Geminiani, la contralto clôt ce concert sacré avec l’« Agitata infido flatu », extrait de Juditha Triumphans de Vivaldi. Sur cette œuvre pleine de contrastes en timbre et expression, Galou ornemente l’Ensemble de nombreuses trilles et vibrato, bien que le public la perde un peu sur les vocalises en a. Plus expressive sur ce morceau que sur les précédents, elle utilise enfin tout son corps pour exprimer les émotions du chant, se distançant plus de sa partition. Le public ravi l’applaudit à tout rompre, lançant de nombreux bravi, certains se levant même pour saluer la performance de la chanteuse et de l’Ensemble.