Sophie Koch affiche ses forces en récital à Garnier
Le programme en deux triptyques reflète le répertoire et les langues de prédilection de la chanteuse : Stravinsky, Liszt et Duparc sur des textes en français puis Schubert, Brahms et Strauss pour la partie germanophone.
Sophie Koch a notamment interprété le Werther de Massenet avec Jonas Kaufmann :
La première pièce de ce récital est une œuvre rarement donnée, Le faune et la bergère d'Igor Stravinsky, trois mélodies -initialement écrites pour orchestre- sur des poèmes de Pouchkine. La puissance et l’engagement vocal de la mezzo-soprano saisissent immédiatement le public, certains peinant à contrôler leurs applaudissements entre les mélodies. Cette intensité demeurera tout au long de la soirée. Sa prononciation du français est si précise qu’il n’est pas nécessaire de regarder les surtitrages. Ses qualités de conteuse conviennent parfaitement aux trois mélodies, lesquelles présentent trois facettes d’une même histoire : la bergère, le faune et le torrent.
Après un bref passage en coulisses, l'accompagnateur et la chanteuse (robe drapée rose fuchsia nouée sur une épaule en harmonie avec le magnifique rideau de scène peint de la salle) reviennent pour trois mélodies de Liszt sur des textes de Victor Hugo : S’il est un charmant gazon, Enfant si j’étais roi et Il m’aimait. L’écriture pianistique dense et très présente de ces mélodies s’accorde parfaitement aux capacités vocales de la mezzo-soprano, laquelle s’appuie sur ce beau matériau pour développer un phrasé ample sur un souffle long. Sa présence, exempte de toute sophistication, n’en est pas moins expressive quand elle chante, son regard tantôt levé vers le public, tantôt baissé. Elle se tourne parfois vers le pianiste qui lui indique des départs de phrases délicats.
L’accroche vocale est présente sur toute la tessiture. Cependant, dans les mélodies de Duparc, L’invitation au voyage, Le manoir de Rosemonde et La vie antérieure, si les longues phrases sont assumées et soutenues dans de magnifiques crescendi, la nuance piano dans l’aigu semble parfois plus difficilement réalisée. Elle met le texte en valeur, appuyant certaines consonnes dans un mouvement de tête, détimbrant sa voix, profitant de l’union remarquable du texte et de la musique réalisée par le compositeur. La première partie se termine tout en délicatesse sur les derniers mots du poème de Baudelaire: « qui me faisait languir », en registre de poitrine, suivis de la coda (conclusion) que le pianiste égrène subtilement.
Après l’entracte, Schubert est à l’honneur avec quatre Lieder. Le dramatisme de Die junge Nonne convient particulièrement à l’ampleur vocale de la chanteuse, moins convaincante dans la légèreté et la vitesse de Der Musensohn, sa grande ouverture de bouche rendant le texte laborieux. La subtilité de « Sei mir gegrüsst » est légèrement gommée par l’utilisation systématique de voyelles très couvertes. Toutefois son interprétation de « Gretchen am Spinnrad », très touchante est très appréciée du public.
Brahms, et surtout Strauss qu’elle fréquente régulièrement en interprétant les rôles du Compositeur (dans Ariane à Naxos) et d’Octavian (dans Le Chevalier à la rose) sur les scènes internationales, siéent parfaitement aux possibilités vocales de l’interprète. Attentive à la diction, très expressive, sa voix rayonne du grave assumé en poitrine aux aigus éclatants d’harmoniques. Dans Allerseelen la coloration sombre de ses voyelles dans le médium altère parfois la justesse de la voix. Cependant Schlechtes Wetter impose sa force théâtrale et ses aigus assurés.
Très applaudis, les artistes
reviennent pour trois bis : deux Lieder de Strauss, Zueinung et Wenn du es wüsstest, qu’ils
dédient à Pierre Bergé, et, sans signe de fatigue, achèvent magistralement le récital par le redoutable air du Compositeur d'Ariane à Naxos, mettant en évidence la force de la mezzo-soprano, véritable
athlète vocale, emplissant la salle de sa voix d’airain.
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