Thomas Hampson chante Mahler au Musée d'Orsay
À cette occasion le chanteur a souhaité interpréter Der Abschied (L'Adieu), concluant Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre), sur des poèmes de Mong-Kao-Yen et Wang-Wei qui évoquent la solitude, la nostalgie et l’approche de la mort. La musique de Gustav Mahler encadre un programme de la seconde École de Vienne (Schœnberg, Berg et Webern). Les orchestrations et les arrangements sont élaborés par le chef lui-même. La tenue de concert des jeunes instrumentistes, chemise, cravate et veste de costume sur un jean, illustre le positionnement des compositeurs de cette nouvelle école, à savoir la transformation des traditions et la volonté d’ériger de nouvelles valeurs. Les œuvres des musiciens viennois brillent d’une modernité singulière, ainsi les dissonances de Schœnberg, Berg et Webern côtoient la texture dense Wagner et Zemlinsky (compositeur avec lequel Clément Mao-Takacs et son Secession Orchestra brillaient 10 jours plus tôt à Royaumont). Ces œuvres mettent en valeur l’engagement soliste des instrumentistes, bien que certains ne soient pas toujours aussi convaincants au moment des grandes phrases d’ensemble.
Der Abschied, dans une version plus intime, adaptée pour orchestre de chambre, fait la part belle aux différents solistes de l’orchestre, permettant ainsi au chanteur d’exprimer toutes les émotions de la musique sans avoir à lutter pour passer la phalange instrumentale. La musique de Mahler, et notamment ce dernier opus, nous transporte dans une autre dimension, de l’ordre de l’éternité.
Thomas Hampson (© Dario Acosta)
Thomas Hampson, lors de ses récents entretiens quotidiens sur France Musique, révélait aux auditeurs que Mahler avait changé sa vie et son rapport à la musique. C’est dire l’intensité de l’engagement de l’interprète durant la soirée. Rythmée par le gong, l’introduction de l’orchestre aux instruments graves suivie des thèmes aux bois et au cor plongent le public dans l’univers mahlérien. Ainsi la première phrase: « Le soleil disparaît derrière les montagnes » distille-t-elle une nostalgie mélancolique. Le baryton émet le texte très précisément, chaque mot, chaque syllabe ayant sa couleur propre, jusqu’aux consonnes finales qu’il émet sur le souffle. Thomas Hampson est entièrement habité par la musique, il vit intensément les moments où l’orchestre joue seul, ébauchant des gestes de phrasé et respirant avec le chef à chaque départ de phrase. Mahler atteint des sommets de lyrisme où la voix du baryton se déploie dans toute sa splendeur. L’extraordinaire conduite du souffle soutient l’ampleur du phrasé. Cependant, la richesse du timbre peut devenir fragile dans les aigus piano émis en voix mixte. « Ewig » (éternellement), répété de plus en plus piano, conclut la pièce sur l’évocation d’un espoir de paix dans l’au-delà.
Le public, chaleureusement reconnaissant, vibre à l’unisson avec Thomas Hampson quand celui-ci avoue: « Avec Mahler, je partage toutes les vibrations de l’univers. »
Thomas Hampson est à l'affiche de La Veuve joyeuse à Bastille jusqu'au 21 octobre 2017 : retrouvez notre compte-rendu et réservez vos places.
Profitez en outre d'un récital complet dédié à Mahler par Thomas Hampson, donné à Paris, il y a quinze ans de cela :