Remarquable Resurrezione de Haendel à Ambronay
Entre 1707 et 1710, Haendel (1685-1759) entreprend un voyage en Italie, pour s’y imprégner du style dramatique italien, alors très en vogue. À Rome d’abord, il découvre une situation particulière : le Pape Clément XI y interdit les représentations d’opéra, pour des raisons autant religieuses que politiques. C’est alors que se créent dans la capitale romaine des académies d’oratorios, genre religieux du drame lyrique, sans mise en scène. Les talents musicaux et la sociabilité de Haendel lui permettent d’acquérir rapidement la protection du Marquis Francesco Maria Ruspoli. En 1708, ce dernier veut marquer son allégeance au Pape et commande à Scarlatti (1660-1725) un oratorio commémorant la Passion du Christ et à Haendel un autre pour la Résurrection. Ces présents furent certainement appréciés, puisque le Pape élèvera Ruspoli au rang de Prince l’année suivante. La Resurrezione est créé le 8 avril 1708, dans la résidence du Marquis (le Palazzo Bonelli) où un magnifique théâtre est installé pour accueillir un auditoire de 1500 aristocrates et cardinaux. Lors de la création, le plateau comprenait étonnamment une femme dans le rôle de Marie-Madeleine, Margherita Durastanti, remplacée dès le lendemain par un contre-ténor, conformément au décret papal interdisant aux femmes de chanter en public.
Dès la sonate d’ouverture, le spectateur apprécie les excellentes basses, au son d’un grain bienvenu. Cependant, le hautbois, qui commence (heureusement) par un solo, paraît bien pressé : au geste d’appel à attention du chef, juste avant le départ, l’instrumentiste démarre déjà. Le tempo pris doit être en accord avec celui d’Ottavio Dantone, car celui-ci, très professionnel, paraît ne pas s’en frustrer davantage, malgré un très court instant d’étonnement à peine visible. L’Ange d’Emöke Baráth, au regard malicieux, paraît tout de suite à l’aise dans son rôle et sur scène, sensible de sa jolie voix et à l’excellente diction. Déjà, dans son air « D’amor fu consiglio » (Le conseil de l’amour), la soprano hongroise se fait enchanteresse. La direction de Dantone permet une belle cohésion. L’orchestre se montre capable de beaux phrasés, dont des effets de soufflet ou des accents étudiés sont toujours efficaces mais jamais gratuitement démonstratifs.
Lisandro Abadie est un fier et autoritaire Lucifer. Ses graves sont jolis bien que le chanteur argentin reste moins basse que baryton, registre où sa voix est naturellement plus puissante et plus maîtrisée, tout en gardant la profondeur de son timbre. La soprano Hasnaa Bennani étant déclarée souffrante, elle est remplacée par la délicieuse Camille Poul pour le rôle de Marie-Madeleine. Ses premières interventions font entendre son timbre frais et sensible mais elle ne semble d’abord pas tout à fait à son aise : les aigus lancés trahissent de petites difficultés et une respiration assez forte hache parfois son discours. Mais sa voix s’illumine rapidement et son interprétation devient fort touchante, notamment dans son air « Ho un non so che nel cor » (J’ignore ce qui est dans mon cœur).
La voix profonde au timbre tout particulier de Delphine Galou est celle de Marie Cleofide. Sa présence, son sourire et son engagement forment un personnage sympathique et touchant, jouant parfois de ses hanches pour accompagner ses vocalises. Toutefois, sa projection reste limitée, sans être jamais couverte par un orchestre attentif. Pour être audible dans les graves, sa voix se détimbre, ce qui produit un effet peu ordinaire, voire étrange.
Enfin, le ténor suédois Martin Vanberg est un Saint Jean solaire, sensible et charmant, à la voix belle et homogène. Son premier air « Quando è parto dell’affetto » (Quand elle est née de l’amour) est empli de sérénité et ses intentions sont jolies dans « Caro figlio, amato Dio » (Cher fils, Dieu aimé). Il serait dommage d’oublier « Cosi la tortorella » (Ainsi la tourterelle), accompagné des lamentations du traverso, venu sur le devant de la scène, et agrémenté des effets saisissants mais subtils des crescendi des cordes sur les « vede ch’augel feroce dal nido gli rubò » (ravie du nid par un oiseau féroce).
Tous les solistes se retrouvent pour chanter en chœur le final « Diasi lode in cielo, in terra, a chi regna in terra, in ciel ! » (Que loué soit au ciel et sur terre celui qui règne sur terre et au ciel !), repris en bis après le rappel d’un public absolument ravi.