Douceur et majesté pour la soirée d’ouverture du Festival Berlioz
Cette année, le Festival Berlioz propose d’accompagner le compositeur isérois à Londres au temps des expositions universelles, portant pour thème « So British ! » (retrouvez-en le programme complet). La soirée d’ouverture est, comme l’annonce Bruno Messina, Directeur général et artistique du festival, exceptionnelle : aucune œuvre d'Hector Berlioz n’y est programmée. Cependant, trois grandes figures de la musique anglaise, dont deux attirèrent l’admiration de Berlioz, composent le programme du concert : Henry Purcell, George Friedrich Haendel et Benjamin Britten. Le style du premier (né en 1659 et mort en 1695) a profondément marqué la musique anglaise. Haendel (1685-1759), allemand formé en Italie, a mené de véritables batailles pour s’imposer en Angleterre et y renouveler l’identité musicale. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle, et particulièrement Benjamin Britten (1913-1976), pour assister à un renouveau typiquement britannique. Ces trois compositeurs participèrent à une tradition chère à leur patrie depuis 1683 : fêter la Sainte Cécile – patronne des musiciens, née en 200, dont le jour de fête est le 22 novembre – en lui dédiant une œuvre. Il semble alors naturel d’ouvrir le Festival Berlioz 2017 « So British ! » sous la protection de la sainte martyre. Avant le concert, une minute de silence est dédiée à la mémoire des victimes de l’attentat de Barcelone.
The King's Consort à l'Abbaye Saint Antoine (© Festival Berlioz)
Grand expert de la musique anglaise, c’est le chef Robert King et son ensemble, orchestre et chœur, The King’s Consort qui assurent l’interprétation du programme. Le son de l’orchestre, sur instruments d’époque, est d’une couleur toute particulière : un moelleux chaleureux, aux couleurs sans contrastes brusques, amenant avec beaucoup de finesse les nuances, surtout de très jolis piani. L’homogénéité est telle que parfois, dans l’Ode to St Cecilia de Purcell, certaines dissonances graves ne sont pas ressenties comme une tension agréable de l’écriture contrapuntique (ligne contre ligne), mais forment comme une bulle de son aux bords étonnants. La précision et la nervosité bienvenue des violons, notamment grâce à leur discipline de place d’archet, permet de jolies envolées énergiques mais jamais violentes. Il aurait été beaucoup plus agréable, surtout lors des ouvertures, d’entendre davantage les violons 2, pour répondre aux violons 1 – la disposition classique n’y aide pas : les violons 1 projetant leur son vers le public, à l’opposé des violons 2 qui sont en face, mais cette disposition permet une stéréophonie et un équilibre bien plus intéressants. Les intentions de phrasé des basses sont ressenties et appréciables, même visuellement.
Cette finesse de son se sent et se voit dans les gestes souples et précis de Robert King. Sa direction est à la fois sérieuse et dansante. Caractéristique particulièrement ressentie dans l’œuvre pour chœur seul Hymn to St Cecilia de Britten, Robert King joue avec les sons et les voix, les modelant véritablement avec ses mains. C’est que le chœur du King’s Consort est un matériau sonore de premier choix, très équilibré et homogène, particulièrement lors des accords de fin. Les solistes du chœur assurent très dignement leurs interventions, notamment la très agréable soprano I.
Robert King (© Festival Berlioz)
Présent pour l’Ode to St Cecilia de Purcell, le contre-ténor Robin Blaze semble dès sa première intervention manquer d’assurance. Sa diction est correcte mais ses graves manquent de timbre. Heureusement, il est excellemment accompagné de l’orchestre qui ne le couvre jamais. Tous les ensembles, aussi bons soient-ils, ne sont pas capables de si belles couleurs et de présence dans les piani.
Robin Blaze (© Dorothea Heise)
Le ténor Joshua Ellicott n’attire pas vraiment l’attention lors de sa première intervention, en trio avec deux sopranos, sans doute parce que cette partie ne correspond pas vraiment à sa voix. Lors des interventions suivantes, il fait preuve de présence vocale et scénique, paraissant sincère et communicatif. Pour cela, le ténor britannique use des changements de nuances et de timbres, mais surtout en abuse. Systématiquement, comme la lumière d’un phare, ses phrases montent en puissance et en timbre pour se perdre ensuite dans des piani inaudibles. Pour capter l’attention de l’auditeur, la richesse de palette de timbres est certainement importante, mais elle perd complètement en efficacité et en intérêt lorsqu’elle est utilisée à outrance. Ellicott est toutefois bien plus convaincant dans la puissance de « The trumpet’s lound clangor » (Le son retentissant de la trompette) de l’Ode to St Cecilia de Haendel.
Comme les deux solistes précédents, la voix de la soprano norvégienne Berit Solset paraît étroite lors de sa toute première intervention. Mais très vite, elle s’ouvre et devient envoûtante, surtout dans les aigus. La magie opère lors de son duo avec le traverso (flûte traversière baroque) « The soft complainig flute » (Les douces plaintes de la flûte), superbement gracieux.
La soirée se termine comme promis en douceur et majesté : le doux chant de la soprano, seule, auquel répondent majestueusement tout l’orchestre et le chœur.
Abbaye Saint Antoine (© Festival Berlioz)