Les jongleries de Rolando Villazón sur France Musique
Comme souvent chez les génies, le ténor mexicain superstar Rolando Villazón est un touche-à-tout. Outre ses triomphes sur les plus grandes scènes internationales comme chanteur, il est également metteur en scène, Directeur artistique de la Semaine Mozart à Salzbourg, mais aussi l'auteur d'un roman, "Jongleries", paru aux Éditions Jacqueline Chambon en 2014, un conte onirique et absurde dans lequel les personnages sont des clowns.
Se transformant en producteur radiophonique, l'artiste reprend l'esprit et le titre de son livre pour proposer "Les jongleries de Rolando Villazón" quatre samedis du mois d'août durant, sur France Musique.
« À partir d’un thème-fil rouge, fil d’Ariane, Rolando Villazón entrelace souvenirs et anecdotes personnels, mêle histoires vraies ou rêvées mettant en scène écrivains, musiciens et autres artistes. Un jeu de l’oie musical, un kaléidoscope radiophonique où la musique suscite la parole et vice-versa. »
Le ton de l'émission et de l'interprète-personnage est donné dès que Rolando Villazón énonce son patronyme avec accent mexicain aussi tonique qu'imaginable, double l mouillé et par-dessus tout le premier de tous ses rrrrrr infiniment roulés. Le tempo de la parole restera prestissimo tout au long de l'émission que le ténor anime comme il chante (lui qui chante comme il parle), seulement interrompu par des extraits sonores à l'image du nouveau répertoire éclectique du chanteur de 45 ans : de Monteverdi (retrouvez notre compte-rendu du Retour d'Ulysse dans sa patrie cette saison au TCE) aux rôles de baryton (prochainement l'oiseleur Papageno de La Flûte enchantée à Baden-Baden) et pourquoi ne pas réserver ici pour l'entendre le 9 décembre 2017 en récital avec Ildar Abdrazakov au Théâtre des Champs-Élysées ?
La distinction de producteur et programmateur musical acquise par Rolando lui offre un prétexte à jongleries verbales, en français dans le texte, toujours sautant du coq à l’âne, de Dali à Cyrano de Bergerac, aux cheveux et au cheval de Münchhausen, en passant par la lune pour rendre visite à Schopenhauer et Mecano, le tout dans la même phrase, évidemment (avant le tempo tout aussi effréné du jeu au piano de Glenn Gould).
Quel meilleur point de départ pour ce réjouissant marabout de ficelle musical et vocal que la citation de Dali choisie par Rolando Villazón en introduction de l'épisode central : « L'unique différence entre un fou et moi, c'est que moi je ne suis pas fou » ? Le mexicain fantasque n'oubliant pas d'avouer combien l'accent espagnol du peintre est dérangeant, avant de rappeler l'importance d'enlever ses chaussettes pour un génie. Mais la légèreté cache bien entendu une profondeur, et la folie de Dali bascule bientôt vers celle, torturée, de Chostakovitch, dont Villazón fait le douloureux éloge et diffuse l'interlude de Lady Macbeth du district de Mtsensk par Mstislav Rostropovitch et l'Orchestre Philharmonique de Londres.
Sans y paraître, à mots couverts, c'est bien entendu de lui-même que parle Rolando Villazón, c'est l'entièreté de sa personne et de son travail artistique qu'il défend. À la question qu'il se pose à lui-même "Faut-il être extravagant pour être un génie ?", il répond avec malice qu'il n'en est pas convaincu. Une émission à écouter avec l'esprit et l'oreille affûtés, comme les interprétations de Villazón dont le caractère emporté est une arme pour repousser les auditions superficielles.
Épisode 1 : À la recherche de la tombe de Cortazar
Épisode 2 : Parce que c'était lui, parce que c'était moi
Épisode 3 : Trop de notes, mon cher Mozart !
Épisode 3 : Trop de notes, mon cher Mozart !
Épisode 4 : La Mort et l'Araignée
Diffusion sur France Musique samedi 26 août de 17h à 18h