Renaissance et créations, amours mariales et charnelles à Notre-Dame de Paris
Monsieur le curé introduit le concert célébrant l'amour de la Vierge Marie, mais aussi l'amour charnel, du Cantique des Cantiques.
Placée dans le lointain du chœur, presque à l'abside pour que leurs voix parfaitement tenues aient le temps de tournoyer et se déployer dans les voûtes ogivales, la Maîtrise Notre-Dame de Paris ouvre la cérémonie d'un Ave Maria signé Tomás Luis de Victoria (1548-1611). L'effet est tout bonnement miraculeux, à l'image du lieu. Les voix enrobantes semblent venues de tous côtés, même derrière l'auditoire. Une même tenue de voix soutient les douze chanteuses, avancées devant l'autel pour un dialogue avec l'orgue aux belles notes filées, tenu par Yves Castagnet (1964-) sur sa propre composition, Ô Notre-Dame du soir. Le visage du chef Henri Chalet porte et transmet à ses interprètes la tendresse et le sourire dont parle le texte et qui font rayonner encore davantage ces voix et cette composition, aux accords riches et diminués.
Mesdames sont rejointes par Messieurs et Yves Castagnet debout à leur côté sur l'orgue positif, pour Cantate Domino de Claudio Monteverdi (1567-1643). Les voix se perdent quelque peu au milieu des phrases aux riches contrepoints et dans cette acoustique ample, mais l'essentiel est parfaitement assuré : l'entrée de chaque pupitre (qui permet de sculpter les lignes) grâce à l'impressionnante précision gestique du chef et à la qualité d'attention de son ensemble.
La Maîtrise Notre-Dame de Paris (© MSNDP)
Nigra sum de Caroline Marçot (1974-) offre l'occasion d'exposer une palette de voix : des interventions solistes naviguent de-ci de-là, de petits ensembles mais également des tutti nourris harmoniquement, depuis le soubassement des basses jusqu'aux aigus sifflés des sopranos. Voici le sacre du Royaume de Pierre-Adrien Charpy (1972) offre à l'orgue des mouvements déliés émérites et aux femmes un attentif travail de prosodie.
Retour quatre siècles plus tôt -comme tout au long du concert- pour Osculetur Me de Roland de Lassus (1532-1594), dont le génie madrigalesque (de dialogue et d'harmonie des voix), à nouveau patent ce soir, l'avait fait adopter par les italiens, qui le nommaient Orlando di Lasso.
Deux quatuors mixtes s'écartent de part et d'autre de l'autel, afin d'accentuer la largeur et l'amplitude d'une douce vague sonore. Précisément, ils interprètent l'Ave Maris Stella de Monteverdi. Une fois encore, le chef fait merveille, aussi clair qu'expressif et impliqué, du bout des doigts face aux solistes, de toute l'amplitude des bras dans les tutti.
Henri Chalet (© Jean-Baptiste Millot)
Nouvelle pièce contemporaine entièrement féminine (un contrepoint paritaire à l'art musical et au monde religieux, historiquement si masculin), Michelle Reverdy (1943-) expose une Femme revêtue de Soleil, parcours de timbres et de registres des tuyaux d'orgue, avec célestes échos de sopranos.
Avec Giovanni Gabrieli (1557-1612), les changements d'intentions allantes sont aussi bien marqués dans Sancta Maria succure miseris que sont déployées les teintes endolories du Beata es Virgo Maria.
Le maître-autel Notre-Dame de Paris
Le concert entame son decrescendo sur trois mouvements d'une Messe signée Hans Leo Hassler (1564-1612) : « Kyrie », « Sanctus », « Agnus ». Bien que doyen du programme, le compositeur est le plus proche d'un baroque presque classique avec des homorythmies (rythmes simultanés), antécédents et conséquents (question-réponse mélodique). Enfin, le dernier morceau rappelle que 24 est un chiffre magique en chorale, permettant des polyphonies à 2, 3, 4, 6 ou bien 8 pupitres, comme l'Ave Maria de Tomás Luis de Victoria (1548-1611).