Un Alcione acrobatique en envoie plein les yeux à Versailles
Alcione
Alcione (© Vincent Pontet)
La mise en scène de Louise Moaty crée un univers visuel onirique et esthétique dans lequel les atmosphères se métamorphosent en quelques secondes au gré des voilures, poteaux et cordages qui descendent des cintres. Quatre acrobates et quatre circassiens, tous danseurs, offrent une époustouflante démonstration de leur talent, dans une chorégraphie sauvage et tribale, parfaitement synchronisée, dans laquelle les artistes lancent violemment leurs corps et leurs membres. Chaque pas est une course de vitesse. Chaque geste est un coup de poignard. Tantôt jetés dans les airs par leurs camarades, tantôt planant pendus la tête en bas, au bout de cordes furieusement manipulées via un système complexe de poulies et de lests. Ils plongent depuis les airs pour ne s’arrêter qu’à quelques centimètres du sol, grimpant à un mât chinois et s’y pendant par une jambe, enchaînant pirouettes en tout genre. Très impressionnant, ce spectacle, qui se suffirait en lui-même, sert le propos de l’œuvre avec éloquence.
Ainsi, les furies qui interrompent le mariage d’Alcione et de Ceix sont-ils des monstres rampant, la tête en bas, le long des poteaux de la cathédrale. De même, le rêve dans lequel Alcione voit son amant mourir dans un naufrage est-il superbement représenté : les danseurs courent et bondissent en tous sens derrière un voile blanc, figurant le branle-bas-de-combat des marins, seules leurs ombres projetées par plusieurs lumières agitées dans des mouvements violents, apparaissent et disparaissent dans un chaos parfaitement organisé.
Lea Desandre - Alcione (© Vincent Pontet)
La troupe vocale convoquée pour l’occasion est très homogène. Elle est emmenée par la récente révélation des Victoires de la musique classique (qui nous avait accordé une interview à cette occasion), Lea Desandre, interprète du rôle-titre. Sa voix intense et vibrante n’a pas besoin de puissance tant sa projection est maîtrisée. Elle exprime la fragilité de son personnage par un vibrato fin et délicat (son « je meurs » n’est qu’un léger filin sonore qui semble en effet mourir). Sa voix est à la fois ronde et profonde, notamment dans le médium. Sa ligne de chant expressive se remplit d’air pour crier sa colère contre un trop accablant destin.
Cyril Auvity et Lea Desandre - Alcione (© Vincent Pontet)
Son amant Ceix, qu’Alcione ne pourra épouser qu’après leur mort, dans l’immortalité que leur accorde Neptune, est interprété par Cyril Auvity (à retrouver ici en interview), qui porte un tatouage à la main droite. Le style adopté est tout à fait différent de celui qui le caractérisait pour le concert Lalande in loco voici deux semaines, et pour lequel son timbre prenait des teintes barytonnantes. C’est cette fois son registre aigu, jusqu’à sa voix de tête délicate, qui est mis à l’honneur. Sa voix duveteuse est parfaitement couverte, ce qui apporte une couleur lustrée à son timbre. Son legato travaillé assure la cohérence de sa ligne vocale, ponctuée d’un vibrato court et rapide. Son ami Pélée, qui le trahit, prend le timbre cuivré si caractéristique de Marc Mauillon. Sa voix très vibrée descend bas dans les profondeurs de la tessiture. Sa projection directe atteint puissamment le public sans pour autant sembler jamais forcer. Sa prononciation parfaite aide à l’expressivité de son jeu, bien que son phrasé soit parfois haché.
Marc Mauillon et Lea Desandre - Alcione (© Vincent Pontet)
Lisandro Abadie chante à la fois Pan dans le prologue et Phorbas dans l’opéra. Ses graves amples au timbre charnu et sombre manquent de volume, mais ses médiums sont plus ouverts. Bien que très sollicitée, sa voix ne semble pas fatiguée, montant même en puissance au fil de l’œuvre. Antonio Abete chante à la fois Tmole (dans un costume au volume extravagant), le Prêtre et Neptune (un corail sur la tête et un filet de pêche en guise de cape). Son timbre légèrement grésillant descend vers les tréfonds de la tessiture, dans lesquels il peine cependant à dépasser l’orchestre. Hasnaa Bennani chante la magicienne Ismène, fluette et flûtée, avec un vibrato rapide et une diction soignée, mais manquant de tranchant. Sébastien Monti chante Apollon et le Sommeil d’une voix claire aux trilles agiles, mais projetée sans enthousiasme. Le contre-ténor Gabriel Jublin chante le rôle de Phosphore de sa voix pure et puissante. Enfin, Hanna Bayodi-Hirt est une Junon à la voix aérienne. Avec cet Alcione
Alcione (© Vincent Pontet)