La Belle Hélène à la Seine Musicale, le clash des générations
Comme si l'auditoire était invité à une fête, un « dress code » est spécifié...et respecté : les familles sont majoritairement vêtues de blanc. Sur scène : six colonnes illuminées et une estrade centrale. Les coulisses et la scène sont séparées par des panneaux de bois ajourés qui laissent deviner les déplacements des artistes.
L'Ensemble instrumental des Hauts-de-Seine, sous la direction de Gaël Darchen, s'installe et les premières notes d'Ajax retentissent. Sur scène, tous les artistes sont en blanc, à l'exception de deux solistes coiffées de plumes colorées et portant des vêtements fluo. Le décor très épuré de la production est mobile : les enfants de la Maîtrise des Hauts-de-Seine déplacent de gros fauteuils gonflables au gré des scènes. Hélène et Ménélas se retrouvent alors assis sur ce mobilier de fortune et déclenchent l'hilarité du public : quand l'un se lève, l'autre tombe ! La mise en scène est ainsi truffée de comique de gestes. L'arrivée des rois (remplis de vaillance) les uns après les autres devient presque une compétition : c'est à celui qui fera les meilleurs pas de danse (moderne, bien sûr).
© Maîtrise des Hauts-de-Seine
La modernité est en effet le mot-clé de cette jeune production de Julien Girardet, reprise par Gaël Darchen et David Thénard. Les dialogues sont teintés d'expressions argotiques, certains solistes prennent des selfies et la lettre de Vénus arrive par drone. Calchas passe même un coup de téléphone céleste pour faire gronder l'orage. Une recette gagnante pour accrocher un jeune public !
Les choristes de la maîtrise sont touchants de concentration : ils ont le regard constamment rivé sur leur chef, guettant la moindre indication. Les chorégraphies semblent donner un peu de mal aux moins dégourdis d'entre eux, bien que la qualité vocale soit au rendez-vous. Seuls les passages les plus redoutables posent problème, lorsque les tempi s'emballent.
Alix Le Saux est La Belle Hélène (© Maîtrise des Hauts-de-Seine)
Dans la peau d'Hélène, Alix Le Saux est brillante. Ses graves sont ronds et puissants et son jeu de scène (notamment ses excès de coquetterie) déclenche l'hilarité du public.
Le soliste incarnant Pâris laisse une impression quelque peu mitigée. Bien que sa voix semble manquer d'un peu de maturité, son jeu de scène est impeccable. À de nombreuses reprises, il fait rire le public, notamment lorsqu'il dévoile un t-shirt « I love Paris ». De fait, son duo avec Hélène est fortement déséquilibré, sa voix de fond de gorge serrée ne pouvant rivaliser avec le timbre souple et chaleureux d'Alix Le Saux.
La Reine aux côtés de son époux Ménélas (© Maîtrise des Hauts-de-Seine)
Parmi les solistes du Chœur Unikanti, trois solistes se démarquent ostensiblement. Ménélas est souvent drôle malgré lui : le mari trompé est envoyé en Crête dans une caisse à roulette, puis en revient avec une trace de bronzage peu flatteuse sur le visage. Dès son entrée sur scène, l'époux de la Reine (poux de la Reine) marque les esprits. La soliste incarnant le fils d'Agamemnon déploie une voix puissante et lumineuse. Son assurance et son swing tranchent avec les choristes de la maîtrise. Enfin, Calchas est, après Hélène, la star de cette production. Le jeune soliste fait preuve d'une grande maturité vocale et d'un jeu scénique n'ayant rien à envier aux professionnels.