Un Stabat Mater de Rossini recueilli à la Philharmonie de Paris
L’Orchestre national d’Île-de-France et les quelques 125 artistes du Chœur de l’Orchestre de Paris prenaient ce mardi possession de la Philharmonie de Paris sous la direction de son directeur Enrique Mazzola, pour un intense Stabat Mater de Rossini. Les premières notes de la partition sont murmurées, interrompues de silences pesants. Des pizzicati viennent alors rythmer une lamentation lancinante : les basses brassent alors de sombres couleurs, jusqu'à un tutti figurant la terreur provoquée par le déchirement du voile du temple de Jérusalem. Aux deux extrêmes des tessitures vocales, les voix de la soprano Ekaterina Siurina et de la basse Nikolay Didenko serrent la gorge des spectateurs. L’ambiance est posée.
Ekaterina Siurina (© David Elofer)
La puissance de ce chœur gigantesque impressionne d’emblée, créant l’effet anxiogène des effets de foule. Les spectateurs retiennent leur souffle et leur toux. Un à un, les solistes démontrent leur talent. Le ténor Yijie Shi (déjà entendu dans Le Turc en Italie à Toulouse) porte le second numéro, un air très opératique. Son timbre est clair, son vibrato intense et sa voix claironnante. Le passage en voix de tête est réalisé avec subtilité. Il nuance son propos en allégeant certaines syllabes. Après avoir démontré la facilité de ses harmonieux aigus, sa voix se pose délicatement dans le médium. Il passe alors le relais aux deux femmes, Ekaterina Siurina et la mezzo-soprano Irene Roberts, qui arborent toutes deux un sourire, bien que leur duo évoque la douleur d’une mère. La première dispose d’un vibrato régulier et d’un phrasé raffiné. Certains aigus sont tirés mais sa voix se marie parfaitement à celle de la seconde, qui offre la profondeur d’un timbre riche et rond. Généreuse en souffle, elle projette ses notes puissamment. Vient enfin le tour de Nicolay Didenko dont la voix large mais peu charpentée est une caresse pour l’ouïe, tant son phrasé est empreint de finesse.
Yijie Shi dans Le Turc en Italie (© Patrice Nin)
Rossini réserve deux passages a capella, moments délicats dans tous les sens du terme. Enrique Mazzola pose alors sa baguette pour apporter une plus grande intimité à sa direction. Dans le cinquième numéro, Didenko s’accorde avec le chœur et tient un beau grave conclusif. Dans le neuvième numéro, ce sont les quatre solistes qui accordent leurs voix sans musique, dans une sorte d’apesanteur.
Enrique Mazzola (© Eric Garault)
L’œuvre s’achève par l’entrée en imitation des pupitres du chœur, les « a » de « amen » des uns accompagnant les entrées suivantes, sous la battue claire et précise de Mazzola. Les consonnes percutantes résonnent et répondent aux timbales dans un numéro plein d’espoir. Devant l’intensité des applaudissements, Mazzola offre même une reprise impromptue de ce dernier numéro : le public est ravi !