Une mort trop petite pour eux (5/10)
Piotr Ilitch Tchaïkovsky (1840-1893)
La vie de Tchaïkovsky est aussi mouvementée et expressive que sa musique. Second de six enfants, Piotr Ilitch Tchaïkovsky naît à Votkinsk aux confins de l'Oural dans une famille d'industriels aisés. En 1854, alors qu'il est seulement âgé de 14 ans, le choléra emporte sa mère. Sa perte le décide à se consacrer exclusivement à la musique dans laquelle il baigne depuis ses quatre ans, en marge de ses cours de droit. Sept ans plus tard, il entre au Conservatoire de Saint-Pétersbourg et suit les cours d'Anton Rubinstein. Diplômé en 1865 à l'âge de 25 ans, il devient dès la suivante année professeur au Conservatoire de Moscou, où il enseignera jusqu'en 1878. Toute sa vie sera jalonnée de succès et d'échecs, mais lorsqu'il disparaît en 1843 à l'âge de 43 ans, Tchaïkovsky est au sommet de sa renommée.
Les circonstances de sa disparition restent encore aujourd'hui floues et ne cessent de passionner les historiens. Selon la version officielle, le compositeur aurait bu de l'eau non bouilli de la Néva et serait mort dans les jours qui suivirent du choléra. Il s'agit là du moins de la version corroborée par son frère, Modeste. Dans son journal, Modeste raconte avoir été témoin de l'agonie de son frère. Il note que Piotr Ilitch s'est plaint dans les derniers jours de sa vie de maux d'estomac. Un certain déjeuner aurait notamment été fatal. Persuadé que manger lui porterait préjudice, le compositeur attrape la carafe posée sur la table et se sert un verre d'eau, qu'il engloutit d'un trait. Il vient de signer son arrêt de mort. L'eau n'avait pas été bouillie. Le compositeur se retrouve alité. Les médecins qui viennent le voir prononcent aussitôt le diagnostic. Piotr a attrapé le choléra. Le 6 novembre peu après trois heures du matin, il s'éteint de cette maladie qu'il disait ne pas craindre. Son neveu, à qui il léguera toute sa fortune, vient à son chevet. Fait étrange, le corps du compositeur aurait été exposé deux jours durant. Chose difficilement pensable, puisque pour éviter toute contagion, le cercueil aurait du être refermé aussitôt...
En 1979, la musicologue russe Alexandra Orlova émet ainsi une théorie sur les bases des révélations d'Alexander Voitrov, élève et historien du Collège Impérial de la Jurisprudence de Saint-Pétersbourg. Comme en témoigne son journal intime, l'homosexualité de Tchaïkovsky était connue de ses proches et aussi de son frère Modeste qui lui aussi était homosexuel, mais restait dissimulée. A l'époque, si Moscou et son Conservatoire font peut-être figure d'exception, la Russie reste très conservatrice. Quelque temps avant sa mort, le Maréchal du Palais découvre que Tchaïkovsky entretient une relation avec son neveu, Victor Stenbock-Fermor un officier de dix-sept ans. Choqué, il dénonce l'idylle en envoyant une lettre au procureur Nikolaï Borisovitch Jacobi. Celui-ci préfère alors régler cela lui-même : le tsar aurait demandé un procès public, le scandale aurait été énorme. Un tribunal d'honneur composé de six de ses anciens élèves du Collège Impérial de la Jurisprudence de Saint-Pétersbourg est alors convoqué devant Tchaïkovsky. Acculé, il doit choisir entre l'exil en Sibérie et le suicide. C'est là qu'on lui aurait alors tendu un flacon d'Arsenic et que sa mort aurait été maquillée. Selon la version officielle, Tchaïkovsky aurait succombé du choléra en buvant par mégarde un verre d'eau contaminé...
(Cover : Richard Chamberlain dans "The Music Lovers - La Symphonie Pathétique" de Ken Russell, 1970, détail de l'affiche française, musique du London Symphony Orchestra dirigé par André Previn © MGM Studio Inc.)
En savoir plus
Le Journal de Piotr Ilitch Tchaikovsky édité par Boosey & Hawkes
Vladimir Volkoff : «Tchaïkovsky». Biographie. Editions Julliard/ L'Âge d'Homme
Alexandra Orlova, «Tchaïkovsky : A self-portrait», Oxford University Press USA
Emission «Musicis Politicus» de France Musique, diffusée en octobre 2014 et disponible jusqu'au 15 juillet 2017
Ecouter un air du jour dédié à Tchaïkovski !
Ecouter la Symphonie No. 6 en B mineur, op. 74 dite "Pathétique" de Tchaïkovsky
Herbert von Karajan et l'Orchestre Philharmonique de Vienne
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