Une mort trop petite pour eux (2/10)
Jean-Marie Leclair (1697-1764)
Né dans le quartier Saint-Bonaventure à Lyon, Jean-Marie Leclair joue depuis son plus jeune âge du violon et danse à l'opéra. Son père Antoine est passementier, maître à danser et joueur de basse de violon au Concert de l'Académie des Beaux-Arts. C'est tout naturellement qu'à 18 ans, le jeune Jean-Marie épouse Marie-Rose Casthagnié, une danseuse de la troupe. A 24 ans, il part pour le Teatro Regio Ducale de Turin où il compose et règle d'abord des chorégraphies, puis est engagé comme premier danseur et maître de ballet. Les portes de la renommée internationale lui sont alors ouvertes. Giovani Battista Somis le prend sous son aile et lui dispense son enseignement. Leclair délaisse alors la danse pour le violon, dans lequel il excellera et deviendra le père de l'« école française de violon ».
En 1728, il publie son second livre de sonates pour violon et basse et joue ses propres compositions qui remportent un vif succès. Son épouse rend l'âme sans lui avoir donné d'enfant et il épouse alors Louise-Catherine Roussel, cantatrice d'opéra. En 1733, il intègre la Musique du Roi. Le compositeur s'échine alors à donner ses lettres de noblesse au violon délaissé au profit de la viole et du luth. Son caractère difficile, sa misanthropie et ses sautes d'humeur incessantes lui font quitter l'orchestre royal. Leclair n'est pas un homme aimable et avenant, bien au contraire. En 1746, son unique opéra, Scylla et Glaucus, est créé à l'Académie royale de musique. Après 18 représentations, l'oeuvre disparaît du répertoire. Sir John Eliot Gardiner l'a ressuscitera à Londres en 1979. En 1758, Leclair se sépare de son épouse et achète une maison rue Carême-Prenant, ancienne rue des Vinaigriers dans le Xe arrondissement de Paris, près du Canal Saint-Martin. Un quartier malfamé, emplis de cabarets et de goguettes, qui n'augure rien de bon pour le compositeur.
Dans la nuit du 22 au 23 octobre 1764, vers 11 heures, Leclair est assassiné près de sa porte alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui. Trois coups de couteau ont visiblement été assenés au compositeur, qui gît dans le vestibule au milieu de quelques objets divers, d'un livre et d'une feuille de papier à musique. Trois hommes sont diligentés pour mener l'enquête. L'affaire est importante et les faits graves. Toutes les hypothèses sont évoquées. Son frère, son neveu, son épouse jalouse, un rival peut-être ? Trois suspects sont retenus : Jacques Paysant, le jardinier qui a découvert le corps, l'épouse de ce dernier et surtout le neveu de Leclair, Guillaume-François Vial, violoniste jaloux avec lequel il s'était fâché. Quoiqu'il en soit, avec les moyens de l'époque, impossible de mettre la main sur le coupable. Le crime reste non élucidé, l'affaire classée. Il disparaît la même année que Jean-Philippe Rameau, dont les célébrations d'anniversaire de la mort lui ravissent aujourd'hui tout hommage.
(Cover : "Vanité au violon et à la boule en verre" de Pieter Claesz,1625, Musée national allemand de Nuremberg)
En savoir plus
Gérard Gefen : "L'Assassinat de Jean-Marie Leclair, une des plus grandes énigmes criminelles du XVIIIe siècle". Editions Belfond.
Ecouter Scylla et Glaucus de Leclair
Air de Circé "Et toi, dont les embrasements.... Noires divinités" (Acte IV, scène 4) interprété par Véronique Gens et Les Talens Lyriques, dirigés par Christophe Rousset en 2008.
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