Vol Retour décolle en silence à l'Opéra de Paris
Sur une musique écrite par Joanna Lee, élève d'Oliver Knussen, Vol Retour s'appuie sur le livret de Rory Mullarkey lui-même inspiré du livre imagé The Way Back Home d'Oliver Jeffers. A la mise en scène, Katie Mitchell nous transporte dans une aventure colorée version bande-dessinée. L'histoire ? C'est celle d'un petit garçon qui part en quête d'aventures après avoir trouvé un avion dans son placard. Celui-ci a été abandonné par quatre Bidules arrivés là par inadvertance. Dans son périple, à court d'essence, l'Enfant se voit forcer d'alunir. Il rencontre alors une Martienne, elle aussi perdue, dont le vaisseau accuse une panne de moteur. Ensemble, ils vont devoir s'accorder malgré leurs différences pour rentrer chacun chez eux. De retour chez lui, l'Enfant reçoit un talkie-walkie pour Noël qui lui permettra de communiquer avec sa nouvelle amie, tandis que son hôte le Pingouin prend le large pour retourner chez lui.
Réunissant pêle-mêle, différentes thématiques et histoires de Jeffers comme « Lost and Found », qui raconte comment un petit garçon brave tous les dangers pour ramener un pingouin au Pôle Nord, le livret de Rory Mullarkey apparaît un brin alambiqué pour les enfants et laisse parfois songeur. Difficile en effet de savoir ce que cette histoire veut nous dire et quelles émotions elle essaie de faire passer.
Pingouin met en déroute deux Bidules dans Vol Retour © Dana Cojbuc / Opéra national de Paris
Les changements de décors amenés par le livret s'enchaînent avec une pénibilité qui complique la lecture de l'ouvrage. Le rappel au dessin avec des accessoires et décors en fausses perspectives est un beau clin d’œil à l'imagerie enfantine, et embarque en chemin la poésie de Jeffers. Les costumes de Vicki Mortimer se prêtent aisément au jeu tonitruant des chanteurs, sans cesse en mouvement, sans pour autant éblouir notre imagination.
La vraie réjouissance vient surtout de la musique de Joanna Lee -exécutée avec talent par les Musiciens de l'Académie de l'Opéra national de Paris sous la direction de Stephen Higgins- qui égrène sa magie au fil de l'action. Mises en avant, les percussions, variées et en nombre, sont particulièrement illustratives. La partition sait se taire comme se mettre en branle avec l'aide complice de ses chanteurs bruitistes. Elle ne manque d'ailleurs pas de capter l'attention des enfants, et laissera derrière elle quelques petits cailloux : c'est ainsi qu'on apercevra une poignée d'enfants imiter cette joyeuse cacophonie à la sortie.
La mise en scène de Katie Mitchell intègre les dessins d'Oliver Jeffers © Dana Cojbuc / Opéra national de Paris
Si le français de Gemma Ni Bhriain reste trop souvent approximatif, et c'est bien dommage puisqu'elle tient le rôle principal, les quatre Bidules sont diablement interprétés. Le jeu d'acteur est là, l'envie et la joie irradie aussi et cela fait du bien à voir. La Martienne de Ruzan Mantashyan est aussi difficilement intelligible, si bien que l'on peine à comprendre l'évolution de leur amitié.
Rares sont les cris d'étonnements, rares sont les rires dans une arène où l'on ne peut tricher. Les enfants sont en pleine contemplation silencieuse et ne voudraient pour rien au monde perturber ce qui se joue sur scène. L'ennui n'a pas pointé son nez, comme nous le dit Charles, 6 ans, pour qui « ce n'était pas trop long » mais l'émotion était-elle au rendez-vous ? Si elle nous a timidement confié ne rien avoir compris, Hélène, dix ans, est «très contente» et reviendra « oh, oui » c'est sûr pour sa seconde fois à l'opéra ! Maëlys, sept ans, nous avoue quant à elle avec un grand sourire avoir « bien aimé ». Pari plutôt réussi côté enfants, moins côté adultes.
Vol Retour, de Joanna Lee à l'Amphithéâtre Bastille. Mercredi 9, jeudi 10, vendredi 11, samedi 12, lundi 14, mardi 18 et mercredi 19 décembre à 19h30. Mercredi 9 et jeudi 12 décembre à 15h. Mardi 15 et jeudi 17 décembre à 10h et 14h. Ent. 25€/5€ (- de 15 ans).