Les mélodies de Louis Beydts révélées par Cyrille Dubois et Tristan Raës
Le compositeur Louis Beydts (1895-1953), le plus parisien des bordelais comme le nomme de façon judicieuse au sein du texte de présentation le musicologue et grand spécialiste de la musique française dite légère de l’entre-deux guerres, Christophe Mirambeau dans son évocation de l’homme et de l’artiste, semble relativement oublié de nos jours. Disciple de Reynaldo Hahn, compositeur d’opérettes s'inscrivant dans la veine du temps comme Moineau, Louis Beydts s’inscrit comme un collaborateur précieux pour Sacha Guitry tant à la scène avec la SADMP (La Société Anonyme des Messieurs Prudents) qu’au cinéma, signant la musique de plusieurs films du Maître, comme La Malibran, Le Diable boiteux et Deburau. Nommé en 1952 Directeur de l’Opéra Comique, il fait renaître Ciboulette de son cher Reynaldo Hahn, affiche une nouvelle production de Pelléas et Mélisande pour le cinquantenaire de la création de l’ouvrage de Claude Debussy et lève le rideau sur la création française de The Rake's Progress de Stravinsky l’année suivante, avant de disparaître quelques mois plus tard. Mais Louis Beydts est par ailleurs le compositeur d’une centaine de mélodies la plupart du temps réunies sous forme de cycles et qui s’échelonnent tout au long de sa vie. Il allait bénéficier de l’apport des plus grands mélodistes français pour leur interprétation au concert comme Ninon Vallin, le ténor Fernand Francell, Germaine Martinelli ou Jacques Jansen, le Pelléas de légende.
La musique mélodique de Louis Beydts ne se distingue pas par ses particularités et demeure essentiellement tonale. Elle se singularise plutôt par sa richesse d’invention qui s’inscrit délibérément dans une certaine tradition issue de l’écoute des œuvres de Claude Debussy, Reynaldo Hahn ou Gabriel Fauré voire Albert Roussel. Pour autant, certaines autres influences du temps se font ressentir venant du music-hall ou du jazz. Au niveau des poèmes, le compositeur puise dans les textes particuliers et aux pointes fantaisistes de Paul-Jean Toulet (cycle D’Ombre et de Soleil de 1946 qui ouvre le disque), Paul Fort pour les Six Ballades françaises, Robert Honnert poète au destin météoritique, Tristan Klingsor pour Cinq Humoresques au ton espiègle ou Henri de Régnier pour les Quatre Odelettes, plus sérieuses au niveau de l’ambiance. Avec le cycle Chansons pour les oiseaux daté de 1948, Louis Beydts retrouve Paul Fort et son esprit vif et corrosif, avec cette évocation savoureuse du chat de la mère Michel.
Comme à leur habitude, Cyrille Dubois et Tristan Raës ont exploré avec attention les mélodies disponibles et publiées de Louis Beydts pour établir leur choix final. Il faut noter que l’écriture vocale en elle-même recèle bien souvent, sous son apparente clarté, des difficultés d’écriture que Cyrille Dubois franchit avec son aisance naturelle (notamment dans la mélodie escarpée L’Oiseau bleu du cycle Chansons pour les oiseaux) et cette diction qui émerveille. S’il privilégie dans son approche l’élégiaque et la clarté expressive, le ténor français sait aussi corser son chant dans les mélodies plus sombres et imprimer un ton justement humoristique à son interprétation.
Tristan Raës se coule dans le même moule que son partenaire, servant cette musique raffinée et sensible de toute son âme. Son toucher selon les besoins se fait tendre, presque délicat, mais aussi plus affirmé sinon plus enflammé selon les cycles.
Paru aux éditions Aparté, le présent disque réhabilite la musique vocale de Louis Beydts, avec des textes éclairants de Cyrille Dubois lui-même, Christophe Mirambeau pour la partie biographique et de Justine Harrison pour l’analyse précieuse des mélodies ici interprétées.