Folk Songs & Love Songs : quand l'amour se chante en toutes langues
L’amour est universel et se chante dans toutes les langues. Les chansons ayant traversé le temps se sont transformées par la transmission orale jusqu’à ce que des compositeurs les retranscrivent et y apportent leurs propres couleurs. Le quatuor Les tritons réunis poursuit cette tradition passionnante en y apportant leur propre touche de couleurs, insolite, charmante et légère à l’image de l’illustration de couverture de cet enregistrement « Folk Songs & Love Songs », réalisée par la chanteuse Alice Fagard. À travers un voyage éclectique réunissant chansons d’amour en plusieurs langues, les quatre artistes partagent un fort touchant attrait pour ce qui unit les peuples bien au-delà des frontières : l’amour sublimé par la musique.
L’effectif de ce quatuor est inhabituel et paraîtrait même anachronique, mettant en dialogue la viole de gambe d’Adrien Alix, le vibraphone de Nadia Bendjaballah, les saxophones de Joakim Ciesla et la voix de la mezzo-soprano Alice Fagard. Les Inventions de J.S. Bach, qui rythment le programme en faisant offices de délicates respirations instrumentales, démontrent que la réunion des timbres offre une justesse d’interprétation qui fait pleinement résonner les passions animant cet enregistrement. La grande clarté et netteté des jeux comme de la prise de son marient la résonance équilibrée du vibraphone avec la chaleur discrète de la viole, ainsi que le liant souple du saxophone. Dans ces œuvres le contrepoint se fait jeux, les timbres se distinguent fortement les uns des autres, les subtilités de l’architecture se voient ainsi révélées.
Pour les chansons, les instruments se font de tendres accompagnateurs et surtout de charmants complices avec leurs contre-chants. L’altiste Maialen Loth rejoint d’ailleurs l’ensemble pour y apporter une intensité nouvelle dans Zohra de Francisco Salvador-Daniel, dont les paroles sont le fruit d’une adaptation d’Alice Fagard à partir de chansons kabyle, mauresque et arabe, alliant savoureusement la poésie et la musicalité de ces langues. Cyrille Métivier participe au cornet à bouquin pour le Youkali de Kurt Weill où alternent, étonnamment mais tout aussi agréablement, le yiddish, le créole guadeloupéen, le français et l’indonésien.
La voix d’Alice Fagard est dominée par un sourire qui s’entend, apportant une touche de luminosité et souvent de malice à son chant. Si son vibrato se fait large par moments, ses phrasés ne manquent pas d’une constante et d’une certaine finesse qui valorise son travail patent et son attention toute particulière envers ces textes, aux langues multiples. Grâce à ces qualités de délicatesse et de netteté partagées avec l’ensemble, l’écoute de l’auditeur est fréquemment renouvelée.
« Comme il est doux d’aimer », conclut Alice Fagard en « pseudo-azéri » – sans doute langue inventée fortement inspirée de la musicalité de la langue azerbaïdjanaise. Un résumé parfait de cet enregistrement qui invite au voyage, à la poésie et tout simplement à la beauté de la réunion des musiques.
Note de la rédaction : Adrien Alix rédige par ailleurs sur Ôlyrix des comptes-rendus de productions avec lesquelles il n'a pas de liens