Christophe Rousset et le Palazzetto Bru Zane raniment la flamme de La Vestale de Spontini
Si elle n’a jamais totalement disparu du répertoire, La Vestale de Spontini n’en a pas moins connu un destin contrarié. D’abord encensée par le public parisien à sa création en 1807, elle s’est maintenue pendant plus d’un demi-siècle comme une œuvre majeure, y compris au-delà des frontières dans des versions traduites, avant de céder en popularité à une nouvelle génération romantique portée par Wagner et Verdi. Dans les années 1950, elle est redécouverte et enregistrée, avec l’immortelle Maria Callas dans le rôle-titre (retrouvez l'épisode dédié de notre grand feuilleton pour le Centenaire de La Divine chanteuse), en italien avec un grand orchestre symphonique.
Le nouvel enregistrement réalisé pour le label Bru Zane avec des instruments d’époque rend compte de la parenté entre Spontini et Gluck. Cette écriture, qui favorise les longs récitatifs, déploie également de longues mélodies qui anticipent déjà Bellini. L’ensemble Les Talens Lyriques sert cette partition avec richesse et contrastes. Le jeu nerveux des cordes, entrecoupé de coups d’archet secs en souligne le dramatisme. De l’ensemble ressortent également le lustré des cuivres et le feutré des bois. Viennent s'y adjoindre les voix du Chœur de la Radio Flamande, très équilibrées, à la prononciation nette et expressive, au plein service du propos.
Retrouvez notre compte-rendu de La Vestale en concert au TCE, avec cette même distribution qui l'a enregistrée en studio à La Seine Musicale
L’intrigue est assez simple à suivre : le soldat romain Licinius est l’amant de Julia, une Vestale (prêtresse en charge de maintenir allumé le feu sacré de Vesta, la déesse du foyer), soumise au vœu de chasteté. Leur amour illicite la condamne à périr emmurée vivante (heureusement, survient un acte divin). La soprano Marina Rebeka assure le rôle-titre, d’une voix puissante au timbre riche et fleuri. Son français n’est pas toujours intelligible, mais elle déploie aisément lyrisme et souplesse de phrasé. À ses côtés, Stanislas de Barbeyrac incarne un Licinius tempétueux, au grain de voix sombre et élégant, fleurant le baryton.
À ce sujet, le livre d’accompagnement évoque le débat épineux autour des tessitures de Licinius et de Cinna, entre ténors et barytons. Ici, un compromis semble avoir été trouvé. D'autant que Cinna est interprété par Tassis Christoyannis, baryton de caractère, mais à l’émission lumineuse et sertie d’harmoniques aiguës. De ce fait, les deux chanteurs sont très proches vocalement, et l’harmonie de leurs voix fait son plein effet.
Déployant son registre du grave à l'aigu, le rôle de la grande vestale propose une ligne vocale corsée, qu'assume pleinement la mezzo-soprano Aude Extrémo. Sa voix est charnue, mais garde une grande souplesse. Nicolas Courjal prête au Souverain Pontife, grand prêtre de Jupiter, ses accents grinçants et carnassiers de sa basse profonde, pleine d’autorité. Enfin, le baryton David Witczak fait une intervention brève mais soignée dans le rôle du Consul, psalmodiant avec grâce sa réplique sur un timbre soyeux.
Par sa recherche de l’authenticité sonore et sa distribution de choix, cet enregistrement de La Vestale de Spontini s'impose, à la (re)découverte d’un contemporain de Beethoven, offrant une expérience d’écoute unique et pleine de surprises.
Retrouvez également notre présentation de saison de l'Opéra de Paris qui proposera en juin-juillet 2024 La Vestale dans une version mise en scène (par Lydia Steier), dirigée par Bertrand de Billy avec Elza van den Heever, Michael Spyres, Eve-Maud Hubeaux, Julien Behr, Jean Teitgen, Florent Mbia.