Disney en musique, enregistré par les King’s Singers & Friends
Depuis sa création il y a un siècle, en 1923, la Walt Disney Corporation s’est entourée de compositeurs sachant allier l’humour et l’harmonie pour créer des mélodies attachantes. Elles ont indubitablement contribué à la popularité de ses longs métrages d’animation. C’est cette excellence musicale que les King’s Singers entendent mettre en lumière, soulignant l’éclectisme de leurs inspirations : la musique classique, la comédie musicale, le jazz, voire des musiques traditionnelles. L’album traverse huit décennies, depuis Someday my prince will come (Un jour mon prince viendra), composé en 1937 par Frank Churchill sur des paroles de Larry Morey pour Blanche-Neige et les Sept Nains, jusqu’à Remember me (ou Recuerdame, Ne m’oublie pas) de Kristen Anderson-Lopez et Robert Lopez pour Coco en 2017. À l’exception de ce morceau chanté en espagnol, tous les autres sont, bien évidemment, interprétés dans leur langue originale, l’anglais (mâtiné d'italien pour La Belle et le Clochard, et d'Hawaïen pour Lilo et Stitch).
Pour les accompagner dans ce voyage, l’ensemble vocal britannique d'a cappella a fait appel à des "special guests" de renom, qui prêtent leurs voix ou leurs instruments à la polyphonie. C’est d’abord le violoncelle Edgar Moreau, au jeu profond et lyrique, qui déploie un tapis sonore onirique sur le premier morceau éponyme du disque.
Le piano de John Paul Ekins révèle ses couleurs sous un touché feutré, appliqué. À la guitare, Plinio Fernandes allie l’agilité des arpèges et l’expressivité mélancolique. Enfin, la jeune trompettiste Lucienne Renaudin Vary tire son épingle du jeu sur les morceaux jazzy par sa palette virtuose, aussi bien sur le growl que les aigus perçants, ou bien dans les notes tenues longuement déroulées sur un son nacré, lunaire, le tout servi par une longueur et une agilité de souffle impressionnantes.
Du côté des invités lyriques, la soprano Amina Edris démontre sa technique de comédie musicale, atténuant son vibrato, en "belting" (technique consistant à tenir ses notes en voix de poitrine, même dans les aigus). La voix haut placée conserve cependant un timbre de soprano lyrique argenté, aux harmoniques de tête fusantes. Son collègue et compagnon, le ténor Pene Pati, se prête avec facétie au ton comique de la chanson de Gaston (tirée de La Belle et la Bête). L’émission est nette, l’articulation soignée, avec un éclat belcantiste déployé à pleine puissance sur la note finale. Créditée comme soprano, Joyce DiDonato n’a pratiquement pas d’efforts à fournir pour s’adapter à ce répertoire, tant son chant est limpide, bien articulé, conduit avec un vibrato serré rayonnant, qui s’élargit avec suavité sur les graves poitrinaires colorés.
Le plus piquant intérêt de cet album réside dans l’inventivité des arrangements (de John Rutter, Toby Young, Jamey Ray, Alexander L’Estrange, Nico Muhly, Jim Clements, Nicholas Ashby, et Christopher Bruerton, ces deux derniers barytons parmi les King’s Singers). Chaque morceau de l’album réserve sa petite surprise, ses trouvailles musicales. The King's Singers alternent le chant, l’accompagnement en « beat box » (imitant des percussions uniquement avec la bouche), sans oublier les interventions parlées humoristiques. Leurs six voix se mêlent en harmonies ou en tuilage. La partie haute est occupée par les voix cristallines de deux contre-ténors, Patrick Dunachie et Edward Button, brodant des ornements. Le contraste avec les voix de baryton confère aux polyphonies une profondeur surprenante. Dans cet ensemble s’insèrent les parties du ténor Julian Gregory, à l’émission claire légèrement voilée, et de la basse Jonathan Howard, toujours solidement en place, qui dicte le tempo et pose le socle de l’harmonie.
Le disque est accompagné d’un livret trilingue, en anglais, français et allemand. Les King’s Singers ne manquent pas d’y remercier leur directeur artistique Ben Parry ainsi que leur ingénieur son Toby Wood, dont l’expertise se fait sentir dans la captation d’une netteté irréprochable. L’enregistrement aura été réalisé en seulement six jours (au Church Studios, à Londres) : rappelant l'expertise et la précision de cet ensemble ainsi que des souvenirs aux auditeurs, en un véritable moment de joie et de nostalgie.