Muses éternelles gravées par Cyrielle Ndjiki et Kaoli Ono
Bleu éternel et Rouge passion
Ce disque Muses éternelles met à l’honneur de jeunes interprètes diplômés du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP) et la captation sonore est aussi le fruit du travail des étudiants et professeurs de la classe des Métiers du son de cette même prestigieuse institution parisienne.
Le titre Muses éternelles évoque d’emblée la puissance évocatrice des femmes qui ont écrit ou inspiré les textes des douze pistes qui se succèdent ici. Mais avant même l’écoute, l’ouverture de la pochette de l'album présente les visages des deux artistes, Cyrielle Ndjiki et Kaoli Ono, éclipsées par un bleu céleste qui ramène à l’ancienne symbolique chrétienne de la couleur (le bleu étant la couleur du ciel et du voile de la Vierge Marie, il était alors la couleur du féminin). Tout le projet photographique de Capucine de Chocqueuse pour le livret est en nuances de bleu, d’un bleu éternel qui devient plus terreux, bleu-vert.
Ce sentiment éthéré inspire toutes les sonorités de l'album, y compris la présence discrète du violon d'Iris Scialom, de la flûte traversière de Sarah van der Vlist et du violoncelle d’Albéric Boullenois reliant différentes mélodies avec une sonorité riche et pleine de tension émotionnelle. Le violoncelliste, dans un dialogue toujours discret avec la voix, donne néanmoins le caractère d’un tourbillon d'émotions porté sur le velours de l'instrument, menant vers l'entrée plus dramatique du piano.
Bien que les styles et les époques des pièces interprétées soient différents (Ravel, Chausson, Duparc, Rachmaninov, Strauss, Wagner), elles parlent toutes de champs fleuris, de printemps, d'eau, de matins et de rosées. Il est aussi question de vent et de parfums, de seins et de baisers, d'amours sensuelles pleines de désir charnel, d'anges, mais aussi de larmes, d'esclavage et de guerre. La musique se plie au drame ou à la fraîcheur des sentiments narrés dans ces paroles d’un tempérament romantique, mais reliées par l’interprétation. La dernière piste, Animal Passion de Jake Heggie plonge dans la modernité, restant pourtant fidèle aux textes précédents dans son récit de félins et d'amoureux, mais la musique bascule dans un tango qui annonce la fin de ce voyage céleste.
La jeune soprano Cyrielle Ndjiki Nya tisse la toile des différentes histoires narrées avec grâce vocale et élégance d'interprétation. Elle est dotée d'une voix dramatique, sombre et intense, qu'elle déploie dans ce seyant répertoire. Les textes sont respectés dans leur diction, prononciation et narration, même en langue étrangère. Cette voix chantante perd cependant parfois son beau timbre lorsqu'elle doit s'élever dans les aigus.
Le toucher intense de la pianiste Kaoli Ono suspend plusieurs moments musicaux, où elle soutient l'intention vocale, mais va au-delà du seul accompagnement. Autant soliste que la chanteuse, elle renforce dès les premières notes le potentiel musical et interprétatif de ce répertoire.
Le voyage sonore se termine donc en tango, parachevant l'éternité du pouvoir féminin dans un imaginaire, ici bleu éternel et traduit par un jeu de séduction et même d’une passion vocale rouge vif : la couleur de l'amour et de la puissance, déployée par les artistes musiciennes à travers l'histoire.