La Somnambule de Bellini : belcanto coloré à l’Opéra Grand Avignon
Le chant puissant des solistes et celui toujours impliqué du Chœur de l’Opéra Grand Avignon illumine le plateau comme les éblouissantes lumières de Christian Dubet, ainsi que l’agilité de la contorsionniste Lise Pauton, dans l’élégante, colorée et contrastée vision de Francesca Lattuada. Les extravagants costumes de Bruno Fatalot rehaussent l’ensemble, en se mêlant aux maquillages audacieux dessinant l’individualité de chaque personnage. La robe d’une blancheur immaculée et étincelante d'Amina représente sa pureté, sa chevelure rousse traduisant probablement sa passion (Elvino d'ailleurs, n'arrache pas ici de bague à Amina mais une perruque, découvrant ainsi le crâne chauve, la fragilité et l'humiliation de la jeune innocente). Par contraste, la robe rouge de Lisa et ses attributs de dragon dénotent la personnalité perfide qu’elle interprète avec aisance.
La soprano russe Julia Muzychenko incarne la douce Amina, somnambule fragile mais chanteuse virtuose, qui maintient intensément l’attention du public à chacune de ses interventions. Le rôle difficile est assumé, dans ses moments de joie comme de tragique, avec une grande agilité ornée, les puissances d’un registre colorature toujours contrôlé, ainsi qu’un soutien puissant et assuré. La voix étincelante et claire contraste dans les piani et les forte, de la fragilité à la force bel cantiste, ce qui lui vaut bien évidemment l’ovation du public debout au moment des saluts.
Encore légèrement souffrant et malgré son timbre clair et sa présence scénique, le ténor Marco Ciaponi (qui incarne Elvino) est souvent couvert par l'orchestre et dans les ensembles. En soliste, il parvient toutefois à soutenir le son jusqu'au fond de la salle avec un timbre agréable, mais qui disparaît peu après. Son aigu est un peu serré mais il y monte facilement, avec un souffle nourri. L'artiste est reçu par des applaudissements et quelques huées.
Le rôle de Lisa, l’aubergiste, est dévolu à la soprano Francesca Pia Vitale, qui montre avec son jeu dramatique plein d'aplomb une aisance évidente sur scène. Perfide, jalouse et piquante, elle offre une Lisa à la voix souple, mais ronde et puissante, avec des aigus marquants.
Le Comte Rodolfo est interprété par la basse Alexey Birkus. Le public rit d'emblée et de bon cœur en découvrant son costume rappelant une fée des films Disney. Sa voix n'a toutefois rien à voir avec cette image, car même le brillant est perçant et domine le plateau aussi bien que la fosse. Son expressivité est sonore mais émouvante, ses graves arrivant droit au cœur.
Teresa est interprétée par la mezzo-soprano Christine Craipeau d'une voix expressive et d'un vibrato très marqué, qui sait donner à son personnage la sobriété et l’aplomb d’une femme défendant l’honneur de sa fille adoptive. Clarke Ruth, baryton-basse, ne passe pas inaperçu en Alessio, grâce à son costume, à sa coiffure et à son maquillage bien particuliers mais aussi avec sa voix caverneuse aux graves chaleureux. Enfin, le notaire est incarné par Gentin Ngjela, avec une voix pincée et claire.
L’Orchestre National Avignon-Provence accompagne les chanteurs avec élégance et délicatesse, grâce à la battue souple et agile de Beatrice Venezi. Le public applaudit la fosse et cette soirée avec un enthousiasme global.