Prémices romantiques enregistrées par Sheva Tehoval et Daniel Heide
La soprano belge Sheva Tehoval et le pianiste allemand Daniel Heide partagent depuis déjà quelque temps lors de concerts une complicité autour des répertoires des mélodies françaises et des Lieder allemands. Le programme du disque met en miroir ces deux univers, proches et différents, correspondant à la voix de la chanteuse.
En commençant par les Ariettes oubliées et en terminant avec les Chansons de jeunesse de Claude Debussy, l’album permet à l'auditeur francophone d'immédiatement apprécier la poésie défendue par Sheva Tehoval et Daniel Heide. La voix de la soprano fait entendre un sourire qui se fait contagieux, illuminant ainsi les aigus avec un vibrato ample et néanmoins dosé avec justesse. Si les aigus font penser à une certaine fraîcheur de jeunesse, les autres registres montrent déjà une certaine maturité avec des médiums et graves de velours. Les lignes caressantes de « C’est l’extase langoureuse » le sont en effet, mais sans excès gratuits.
Grâce au touché extrêmement net et propre de Daniel Heide, l’équilibre est constant, tournoyant à souhait quand nécessaire, presque malicieux parfois, laissant l’auditeur imaginer la présence scénique de la chanteuse et du duo en récital. La prise de son de Rainer Neumann et le travail de production de Ralf Kolbinger y contribuent également et gravent aussi la tendresse, comme dans « Epheu » extrait du recueil Mädchenblumen de Richard Strauss, dans lequel le duo fait entrevoir une douce lumière, chaleureuse et limpide grâce au soin porté à la déclamation de la langue allemande.
Daniel Heide partage son amour commun avec sa collègue pour l’œuvre de Wolfgang Rihm, évident à l’écoute des trois poèmes de Friedrich Hölderlin, dont les harmonies expressives, sombres sans être froides, voire plutôt même doucement chauffantes, ponctuées de silence et de résonnances suspendent le temps. La chanteuse comme le pianiste réussissent également à tenir cette tension sous-jacente et constante telle une seule et longue phrase, qui se finit dans la longue résonnance.
Chaque chanson, connue ou beaucoup moins, déploie ainsi sa propre poésie, ne ressemblant pas aux autres, tout en restant incessamment dans le même univers : celui aussi de la sensibilité et de la sincérité, fraîche, parfois sensuelle de Sheva Tehoval, toujours soutenue par Daniel Heide.