Cantate lyrique et chorégraphique à Rennes
Après une collaboration avec le danseur Aurélien Oudot pour Dreams en novembre dernier, le chanteur et chef d’orchestre Damien Guillon renouvelle l’expérience d’une rencontre vivante entre la musique et la danse, cette fois-ci avec le chorégraphe Louis Barreau. Cette rencontre, sous forme de résidence de recherche a été impulsée par le directeur de l’Opéra de Rennes, Matthieu Rietzler, et permet ainsi aux artistes, durant cette période de crise sanitaire, de se rencontrer, de travailler, de s’enrichir par le partage de compétences et de transmettre également leur savoir.
Louis Barreau, jeune chorégraphe nantais, s’intéresse à la musique de Jean-Sébastien Bach et plus particulièrement aux cantates. Sa pièce Cantate/1 (créé le 18 janvier 2020 au musée de Nantes) est le premier volet d’une série chorégraphique sur les cantates de Bach qu’il s’engage à développer jusqu’à la fin de sa carrière. Le questionnement de cet artiste à forte sensibilité musicale consiste à déployer ces cantates, de leur présence sonore vers le corps dansant, devenant un passeur entre musique et spectateur. Il a donc trouvé son partenaire pour une démarche au plus proche de l’esthétique de Bach en Damien Guillon et son Ensemble Le Banquet Céleste (qui interprétaient récemment les Oratorios de Pâques et de l’Ascension en l'église Saint-germain de Rennes).
Pendant quatre jours s’est donc tenu au Triangle (Cité de la danse à Rennes) un travail de recherche et de partage afin de proposer une correspondance musicale et chorégraphique sur la Cantate BWV 61 « Nun komm, der Heiden Heiland » (Viens maintenant, Sauveur des païens). Écrite en 1714 à Weimar, cette cantate s’ouvre par une ouverture/choral à l’écriture dite « à la française » (lent, rapide, lent) dont le rythme se révèle propice à la chorégraphie. La danseuse Marion David, seule, engage le mouvement en silence, s’attache à suivre la musique qui s'élève par une danse épurée et mesurée, marquant par des changements d’orientation les lignes structurantes de la musique.
Peu à peu, le corps établit un lien avec les musiciens du Banquet Céleste, le chef et les chanteurs, pour tous rentrer à l’unisson dans la temporalité incarnée de l’instant présent. Les instrumentistes sont toujours autant à l’aise dans ce répertoire par leur écoute du soliste lors des dialogues chant/instrument (comme par exemple le violoncelle avec la voix de soprano). Mais ici, ils sont également à l’écoute de la danseuse puisque c’est elle qui "mène la danse", tout autant que le chef d’orchestre donnant certains départs. Ils sont aussi une présence vitale et charnelle pour cette chorégraphie sur une musique vivante et non pas pré-enregistrée.
Participent également à ce projet les étudiants chanteurs du Pont Supérieur issus de la classe de chant lyrique de Stéphanie d'Oustrac (dont elle nous parlait en interview) et d’Olga Pitarch. Les huit chanteurs lyriques abordent dans leur cursus différents styles et différentes esthétiques musicales mais sans être spécialisés en chant baroque. Pendant ces trois jours, ils reconnaissent avoir beaucoup de chance de travailler avec Damien Guillon et ses musiciens mais aussi de découvrir l’univers de la danse, et des liens possibles entre ces deux arts. Attentifs aux gestes du chef d’orchestre et de la danseuse, précis dans leurs interventions, ils mettent en évidence les inflexions du texte et de la phrase musicale pour la rendre expressive et compréhensive. L'ensemble a également un horizon de travail et d'amélioration tout tracé, qui consistera à renforcer l’homogénéité, notamment des graves.
Flavien Maleval, jeune ténor à la voix déjà bien timbrée et soucieux de la prononciation de la langue allemande, reconnaît avoir été au début effrayé mais grâce à la bienveillance de Damien Guillon qui lui a ouvert les portes d’un vrai travail stylistique, il a découvert « la joie de la musique baroque que l’on peut trouver austère au premier abord ». Tout comme Sarah Rodriguez, soprano au timbre clair et lumineux où se perçoit déjà une certaine aisance des ornements (notamment grâce à sa formation au Centre de Musique Baroque de Versailles) qui trouve rassurant de travailler avec Damien Guillon : « Il a beaucoup d’humanité », confirme-t-elle.
Pour parfaire cette résidence, ce sont quatre étudiants de l’ESRA (Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle) qui réalisent la captation de cette restitution sous forme de filage et non de concert.