Mythe et Mystère de La Dame Blanche à l'Opéra de Limoges
L'opéra de François-Adrien Boieldieu, qui fut créé en 1825 à l'Opéra Comique de Paris, devait initialement être donné dans sa version originelle. Contexte sanitaire oblige, les représentations publiques ont été reportées à janvier 2023 et, comme un genre d’avant-goût, c’est une version raccourcie qui est ici proposée (approximativement 1h20), où subsistent malgré tout les airs majeurs et les principales pages orchestrales de l'œuvre.
Une œuvre servie en l’occurrence par une production semi-scénique, les comédiens-chanteurs évoluant à l’avant du plateau juste devant l’orchestre. Habits sombres et simplicité vestimentaire sont de rigueur, le port du tartan permettant toutefois de se plonger dans l’atmosphère toute écossaise de Walter Scott (dont l'œuvre littéraire a inspiré le livret d’Eugène Scribe). La mise en espace de Sergio Simon se trouve enrichie par des images animées projetées en fond de scène, lesquelles, entre donjons, murs de pierres et vastes cheminées, dépeignent non moins sobrement l’environnement du manoir des Avenel, dont l’acquisition est ici au cœur de l’intrigue. Mais puisque La Dame blanche est ici abordée à l’aune du mythe, et pas seulement du personnage lyrique, quelques messages projetés en début de spectacle rappellent aussi toutes les croyances et légendes qui s‘attachent à ce personnage fantomatique “porteur de mauvais présages”. Un peu de pédagogie certes pas dénuée d’intérêt, pour une production sans grands effets scéniques dont le téléspectateur retiendra largement la remarquable distribution vocale (la même qui était prévue pour la production “intégrale” de l’opéra).
En Dame Blanche dévoilant finalement les traits d’Anna, Mélissa Petit se distingue par une performance en tous points accomplie. Si le jeu scénique de la jeune soprano française est porté par une certaine candeur, la voix, elle, est déjà fort bien affirmée, aussi mélodieuse que sonore, avec un timbre aux traits cristallins et idéalement vibré. L’un des grands airs du rôle, “Enfin je vous revois”, donne ici lieu à un vrai moment de félicité vocale.
Avec sa prestance naturelle, Julien Dran est un officier idéal, le ténor prêtant au rôle une voix sonore et timbrée avec raffinement. La projection est aisée et éclatante sur toute l’étendue de la tessiture, avec des aigus vaillants, comme dans le fameux “Ah quel plaisir d’être soldat”, ou dans la charmante cavatine “Viens gentille dame”.
Vue dans ce même rôle l’an passé à l’Opéra Comique, Sophie Marin-Degor est une Jenny dynamique et enjouée, au soprano large et ardent en plus d’être aisément projeté, qui s’acquitte formidablement de sa fameuse ballade (“D’ici voyez ce beau domaine”).
Son compagnon Dickson trouve moins à se mettre en valeur, même si François Rougier (vu dernièrement sur cette même scène dans un savoureux Madame Favart) parvient à faire entendre une voix de ténor émise avec assurance, faisant en outre montre d’une réelle aisance scénique.
De sa voix profonde à la belle rondeur de timbre, impeccablement audible sur une large amplitude, Jean-Luc Ballestra campe un Gaveston qui en impose. En Marguerite en proie à la nostalgie, la mezzo Marie Lenormand expose une voix pleine et chaudement timbrée. En plus d’être incarné avec un certain sens comique, le MacIrton d’Edouard Portal offre furtivement une robuste voix de basse.
Réparti sur les sièges de l’avant-salle, permettant là de constituer un semblant de public, le Chœur de l’Opéra de Limoges se distingue par une brillante prestation d’ensemble. Masques sur le visage, et bien que réduits en mobilité, les choristes font preuve d’un entrain indéniable, n'hésitant pas à jouer des bras et des mains pour donner encore plus de relief à une prestation d’ensemble parfaitement sonore et homogène.
Habituel directeur musical de l’Orchestre de Pau, le chef Fayçal Karoui affiche pourtant une complicité notable avec les musiciens de l’Orchestre de Limoges, ici menés par une baguette énergique et génératrice d’une belle harmonie des sons et des nuances, comme en témoigne notamment une ouverture annonçant d’emblée une performance orchestrale pleinement réjouissante.