Tendres et Grands Motets de Charpentier en la lumineuse Chapelle Royale de Versailles par Les Arts Florissants
Depuis plus de 40 ans, Les Arts Florissants et William Christie font découvrir avec exigence et passion les délices de la musique française, notamment grâce à l’œuvre de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704). À l’occasion de ce concert en la Chapelle Royale de Versailles, le chef franco-américain propose une programmation présentant essentiellement des œuvres à la louange de la Vierge Marie. Si l’auditeur s’attend alors à une musique lumineuse, à une interprétation tendre et à des allures presque maternelles, il ne sera nullement déçu. Surtout que la Chapelle Royale, écrin majestueux dans lequel la musique sacrée française résonne avec évidence, voit ses grandes fenêtres, désormais délivrées des échafaudages de la récente restauration extérieure, laisser entrer généreusement les rayons d’un soleil éclatant mais caressant.
À la fois caressante, ferme et vive, la direction de William Christie, à l’orgue positif, ne manque jamais d’attention afin de donner toute l’homogénéité et la précision que demande l’exigeante musique française et la généreuse acoustique du lieu. Les nombreuses parties chantées en chœur offrent de belles couleurs, qu’elles soient de nuances ou harmoniques, avec un soin extrême des équilibres. Le « Miserere nobis » lors des Litanies à la Vierge en sont un exemple frappant. Les sept instrumentistes savent l’accompagner avec équilibre et plénitude. La respiration instrumentale qu’est le premier mouvement de la Sonate H. 548 est ainsi l’occasion d’en apprécier l’art, avec une interprétation plus consolante que grave, comme noté sur la partition.
Les artistes du chœur sont aussi des chanteurs solistes affirmés qui, pour la plupart, ont une ou plusieurs occasions de partager leurs talents. La mère du Christ étant à l’honneur, c’est évidemment le pupitre des sopranos qui l’est également. Maud Gnidzaz fait preuve d’une grande tendresse à chacune de ses interventions par la souplesse de ses phrasés et la clarté de sa voix. Élodie Fonnard fait entendre une voix grâcieuse et claire, son interprétation souriante et communicative lors du Nuptiae sacrae lui donne un aspect tout à fait maternel et réconfortant. Virginie Thomas, malgré quelques rares incertitudes de justesse en début de concert, convainc par la tendresse de son interprétation. Juliette Perret montre une voix un peu plus ronde sans perdre en légèreté.
Les hommes ne sont pas en reste et permettent d'apprécier également de jolis moments de tendresse. Marc Mauillon, en basse et en remplaçant de derniers jours, charme avec naturel par son expressivité et son soin extrême de la diction, avec en plus un timbre grave aux couleurs rassurantes. Le haute-contre Sean Clayton ne fait pas non plus défaut de clarté dans sa diction, impeccable, ni dans son timbre toujours agréablement maitrisé et équilibré. La voix délicate de Clément Debieuvre, la souplesse de celle d’Antonin Rondepierre, le timbre clair et doux de Thibaut Lenaerts et la projection pleine et naturelle de Cyril Costanzo comblent la distribution.
C’est avec l’accord final du Nuptiae sacrae, qui semble jouir de sa liberté en rebondissant librement sur les voûtes de la chapelle sans qu’aucun applaudissement ne précède ni ne rompe un silence magique, que conclut l’ensemble Les Arts Florissants, encore enveloppés de cette brillante musique française, qu'il faut se réjouir de pouvoir entendre de nouveau grâce au travail de captation.
La version intégrale de la captation de ce concert sera disponible en avril, mais rendez-vous dès ce samedi pour un extrait en avant-première