Le TCE fête Beethoven à huis clos pour le poste Radio
L'enregistrement se déroule lors du premier jour prévu initialement pour ce concert (le 18 décembre) mais en après-midi pour respecter le couvre-feu en plus de l'interdiction d'accueillir du public. Le concert est ainsi diffusé sur France Musique le lendemain (second jour prévu de ce concert très attendu).
Les musiciens se sont même habillés en tenues de concert (noire et sobre) même s'il n'y a pas de captation vidéo, et ils célèbrent Beethoven (en cette semaine marquant son quart de millénaire) avec une interprétation à son image. La fougue de l'énergie romantique électrise tout le programme, depuis l'Ouverture de Coriolan (et de ce concert), à travers les mélodies orchestrales, et jusqu'aux fameux coups du destin qui parcourent la 5ème Symphonie pour refermer le programme en apothéose. Le chef d'orchestre autrichien Manfred Honeck avec toute la fougue de ses 62 ans dirige l'Orchestre National de France (du haut de ses 86 ans de tradition radiophonique) par des coups de baguette entraînant les coups d'archets, des gestes fouettés et cinglants, contrastant d'autant mieux avec les tenues d'une grande délicatesse dirigées d'un sourire : un contraste pleinement romantique. D'autant que cette variation alterne avec éloquence tout au long du concert, un contraste expressif qui renforce la continuité du propos musical (jusqu'à traverser ces différents contrastes au cours même de certaines phrases).
La mezzo-soprano Anna Lucia Richter chante deux mélodies (toujours Beethoven) orchestrées par Tomáš Ille : Zärtliche Liebe (Tendre amour) et Adelaide, d'une voix lyrique un peu assourdie dans le médium grave mais, de fait, d'une matière chaude. D'autant que la tendresse réconfortante s'affine en délicatesse vers l'aigu. Surtout, même pour la radio, elle déploie pour toute l'expressivité de ses phrasés, celle de son visage, de ses mains, de ses appuis corporels, d'élans vers le micro avec autant de souplesse que le chef à ses côtés déploie d'énergie. Dans l'expressivité, elle va même jusqu'à accompagner le vol du rossignol (dont parle le texte) de ses mains, et ses roucoulades de sa voix.
Le ténor Steve Davislim incarne Florestan (air "Gott, welch Dunkel hier" extrait de Leonore) d'un grand investissement vocal et même corporel-scénique (faisant là aussi fi de l'absence de public, de la version concert, de la retransmission purement radiophonique). L'intensité de l'interprétation s'appuie sur de grands accents mais sollicite dès lors un aigu court et manquant d'air, hormis l'appel à Florestan, pleinement épanoui, par deux fois : un sommet lyrique qui place et nourrit même la voix vers le grave et la vocalise refermant l'air.
Le baryton Matthias Goerne interprète deux mélodies orchestrées par Alexander Schmalcz : Das Liedchen von der Ruhe (La chanson du repos) et Der Liebende (L'amoureux). Les inspirations sont aussi sonores que l'essentiel de son chant, dans des nuances intermédiaires et la délicatesse d'un son qui viennent envelopper l'auditeur d'une douce chaleur (comme le chanteur enlace ses bras autour de son corps). À la riche douceur de ses graves (et notamment des consonnes chuintantes), répondent des aigus très soulevés presque diaphanes.
La voix s'anime, là encore d'abord par un allant corporel, qui vient enrichir l'expressivité des phrasés. L'effet varie d'autant mieux la forme strophique (répétition d'une même musique sur différentes strophes de texte), mais le balancement physique d'avant en arrière est encore plus important concernant le volume qui se replie alors souvent dans une nuance imperceptible et peu projetée. Malheureusement, le Covid (pour cause de distanciations et de moindres répétitions) prive l'auditoire du trio Tremate, empi, tremate qui aurait dû réunir les solistes vocaux.
L'orchestre aura néanmoins offert un accompagnement constant à chacun des solistes (chacun à son tour), mais la phalange instrumentale reste de fait un peu contenue pour ne pas couvrir les voix. Les éclats ressortent de fait d'autant plus aux débuts des mélodies, et des courts passages instrumentaux de transition. Les cuivres notamment s'empressent alors et sortent de l'homogénéité sonore, mais ils la retrouvent et l'inspirent même pleinement lors de l'expression absolue que représente pour un orchestre une symphonie de Beethoven (et un tel anniversaire, même avec l'interdiction de souffler les -250- bougies).
France Musique propose également trois retransmissions différentes de l'unique opéra composé par Beethoven :