Pas d’amélioration en vue pour les salles de spectacle
L’usage selon lequel le Président de la République annonçait les bonnes nouvelles et le Premier Ministre les mauvaises s’est interrompu ce vendredi 2 janvier 2021 (ou bien alors la logique s'est poursuivie à un "échelon" gouvernemental encore inférieur pour ce qui semble être perçu par les décideurs comme un non-évènement). En effet, après avoir laissé aux vœux d'Emmanuel Macron le soin de remercier le monde de la Culture pour ses sacrifices, c'est le Porte-parole du gouvernement Gabriel Attal (non par conférence de presse officielle mais aux détours d'interviews successives) qui s’est chargé d’annoncer la non-réouverture des salles de spectacle le 7 janvier (la jugeant d'abord "très peu probable"). Bien sûr, les déclarations de Roselyne Bachelot avaient permis d’anticiper cette annonce et rien ne pouvait de toute façon conduire à une réouverture des salles, excepté un changement de logique du gouvernement : les chiffres de contamination, insuffisamment bas le 10 décembre, n’avaient aucune chance de s’améliorer avec le déconfinement et les fêtes de fin d’année, aucun secteur responsable de la circulation du virus n’ayant subi de nouvelles contraintes. Aussi, la demande de visibilité des directeurs d’institutions aurait pu conduire à une annonce bien plus précoce.
Les nouveaux responsables de salles de concerts avec lesquels nous avons échangé depuis notre Grand format en 5 parties (avec les interviews croisées de 16 Directions d'Opéra) hésitent ainsi entre désœuvrement et colère. L'un reviendra dans son théâtre pour faire acte de présence, de manière presque militante, quand l'autre rappelle combien il préférerait rester fermé jusqu'en mars pour pouvoir correctement s'organiser et rouvrir. En effet, le manque de clarté dans la communication du gouvernement via son porte-parole laisse encore le spectacle vivant au milieu du gué et dans l'embarras : sans une communication officielle ayant force de loi, impossible d'annuler les représentations prévues à partir du 8 janvier (pour des raisons aussi bien légales et financières que morales) : les théâtres doivent donc faire comme s'ils allaient jouer en sachant que ce ne sera pas le cas.
Entre-temps, un couvre-feu à 18h a été décrété dans 15 départements (là encore confirmées après des révélations faites par le porte-parole sur un plateau télévisé et sur le ton de la confidence). Sont ainsi concernés les opéras de Metz, Nancy et Nice. Autant de villes où même une hypothétique réouverture des salles de spectacles ne permettrait donc pas même de jouer en semaine (comme le rappelait la Ministre de la Culture). Pourtant, le gouvernement s’attachant à rappeler régulièrement que les salles de spectacle ont mis en place des protocoles drastiques permettant d’assurer la sécurité des spectateurs mais rejetant le risque sur les flux générés, il aurait été imaginable d’ouvrir les lieux de spectacle en utilisant le billet comme justificatif, dès lors que ceux-ci débuteraient et se termineraient à des horaires où les autres flux seraient extrêmement faibles, couvre-feu aidant.
Sur cette question d'utiliser les billets comme justificatif en cas de couvre-feu aussi, les déclarations d'intention officielles ont été changeantes (en raison de la situation changeante, certes, mais pas seulement), Roselyne Bachelot rejetant l'idée après l'avoir défendue, puis annonçant qu'elle serait mise en place avant d'expliquer que les spectacles devraient de toute manière être terminés à l'heure du couvre-feu (tous les spectateurs devant alors sortir en même temps). Ces maigres espoirs ont ensuite été balayés par le reconfinement, la Ministre rentrant dans le rang de la discipline gouvernementale jusqu'à lever le ton face aux recours juridiques. Suite au rejet du Référé liberté par le Conseil d'État, Roselyne Bachelot a également souhaité prendre acte et insister sur le fait que pour elle non plus"cette démarche n’était pas fondée en droit", mais qu'elle "exprimait beaucoup de souffrance et de révolte." La Ministre de la Culture y répond par la volonté de maintenir le dialogue et bâtir un modèle résilient pour assurer la réouverture. Aucun détail sur les travaux réalisés dans cette optique n’a cependant filtré pour l’instant.
Alors que l’idée d’un passeport sanitaire, délivré aux personnes vaccinées et obligatoire pour accéder à certains lieux comme les salles de spectacle, a été discuté à l’Assemblée en fin d’année, le Ministre de la santé Olivier Véran, a écarté cette idée pour l’instant : “Non, la vaccination contre le coronavirus ne sera pas obligatoire [...] ni pour prendre un transport en commun, ni pour entrer dans un restaurant ou pour aller travailler. Le Président de la République s’y est engagé, le Premier ministre également, j’ai eu l’occasion de le dire aussi”. Pour autant, il ne ferme pas la porte à cette idée à plus long terme : “C’est un projet de loi qui répond à une demande des parlementaires, qui nous ont demandé, et ils ont eu raison, de mettre des dispositions dans le dur de la loi pour cette crise sanitaire mais aussi pour les prochaines”, plutôt que de voter des mesures d’urgence, dont il rappelle que cinq sont déjà passées par le parlement depuis de le début de la crise. “Le gouvernement ne proposera pas ce texte au parlement avant plusieurs mois, avant d’être sortis de la crise”.
La Ministre de la Culture n’a à ce stade pas apporté de réponse à ces différentes questions, vitales pour les opéras. Très discrète depuis le reconfinement, elle a simplement posté des vœux laconiques sur son compte Twitter :
pic.twitter.com/7CRXQ5QSHO
— Roselyne Bachelot (@R_Bachelot) January 1, 2021