Le Frivol’s Club sur son 31 ravive Broadway au Châtelet
La rencontre des Frivolités Parisiennes et du Châtelet pour ce concert du 31 a la pétillante et l'explosive évidence de l'union entre champagne et feu d'artifices (même, et justement, si celui-ci est interdit, comme les concerts en public). Les Frivolités Parisiennes, comme leur nom l'indique, apportent la bonne humeur d'une légèreté très travaillée (comme toujours et notamment pour ce concert qui n'était pas prévu). Ils apportent aussi la touche française et de la ville lumière ravivant ce Théâtre Parisien et américanophile entre tous (haut lieu du musical, le Châtelet célébrait justement les fêtes en cette même période l'année dernière avec Un Américain à Paris).
Le programme de la soirée célèbre Broadway et Paris, la France vue depuis la comédie musicale anglo-saxonne : Joséphine Baker ("J'ai deux amours, mon pays et Paris"), Tea for two chanté en français et en anglais, et le répertoire des Frivolités, Ça puis On r’met ça en trinquant...
Les musiciens en scène, sur des estrades et tapis, chaises et fauteuils, forment autour de la table centrale avec flûtes et champagne un cercle que viennent refermer les solistes lyriques dos au public. Les caméras fixes et portées montrent ainsi cette réunion musicale festive et feutrée ainsi que la salle du Châtelet vide. L'ouverture du spectacle est digne d'une grande émission télévisée du 31, les chanteurs entrent avec grâce sur le plateau accompagnés par une musique riche et variée, enchaînant naturellement les tutti cuivrés, les rythmes chaloupés et des tendresses sucrées.
Les arrangements savants et subtils, amples et taquins (avec quelques bruitages et références) déploient de grands crescendi de sons et de lumières, portés par les tutti et les percussions, entrecoupés de tendres épisodes au piano seul ou caressés de la harpe. Les envolées solistes mettent à l'honneur trombone, sax et basson (les cuivres aigus restant un peu criards).
Les solistes lyriques ont sorti leurs tenues de fêtes décontractées et leurs voix de crooners. Tous les quatre montrent surtout leur bonheur à chanter et interagir, entre eux et avec les instrumentistes, pendant et entre les morceaux. Ils chantent de plus en plus près du micro pour les morceaux délicats et s'animent de plus en plus pour les morceaux festifs. Toutefois, leurs épaules seules doivent porter le poids d'animer physiquement les élans de Broadway et même si les trombones puis l'ensemble des instrumentistes se meuvent comme eux de droite et de gauche, ce concert rappelle aussi que les consignes sanitaires nous privent d'un grand spectacle de réveillon avec danses et claquettes.
Marie Perbost n'en offre pas moins un ravissant numéro, alliant comme elle en a l'habitude, la voix lyrique et l'esprit de cabaret. Le timbre, même pour le micro, est ample et généreux. L'interprète très à l'aise scéniquement (et même lors du passage où elle chante dans la salle, perchée pied nu sur un siège) joue de tous ses atours sensuels, faisant glisser sa veste sous ses épaules et sa voix le long des graves, comme elle remonte vers de piquants aigus en un frisson. Sa collègue soprano Léovanie Raud trouve son aisance sur le médium de sa voix vibrée et à mesure que les élans et phrasés des chansons s'allongent et s'assouplissent, en contrepoint avec l'alanguissement sensuel. Le ténor Sinan Bertrand reste serré dans l'aigu et le baryton Romain Dayez dans le grave, mais le premier rappelle combien il est habitué au répertoire en posant sa constante douceur vocale, tandis que le second a la droiture élégante.
Les voix se marient et échangent ainsi leurs qualités, ensemble et avec l'orchestre, sans avoir besoin de pousser le son et avec aisance même en restant près des partitions. Les musiques et les ambiances s'enchaînent, dans l'esprit du Châtelet, dans la tradition des Fêtes jusqu'à faire le décompte des coups de minuit (fêtés en baptisant les tapis au champagne). Un toast est porté à Sainte Cécile (patronne des musiciens) avec force rimes en "ole", d'auréole à frivoles. Le bis s'annonce on-ne-peut-plus traditionnel puisqu'il s'agit de la "Barcarolle" qui est toujours donnée en bis (quand il ne s'agit pas du "Libiamo" de La Traviata). Sauf qu'ici la Barcarolle des Contes d'Hoffmann danse la biguine tout en épousant la Symphonie inachevée de Schubert !
Dans l'esprit de ce Frivol’s Club et d'une année à souhaiter riche de cette vitalité.