Caroline Sonrier présente la saison centenaire de l’Opéra de Lille
Caroline Sonrier, vous avez rédigé un rapport sur la politique de l'art lyrique en France : à l’aune des conclusions que vous aviez tirées en 2021, comment appréhendez-vous la situation économique actuelle du secteur ?
Nous traversons effectivement une période vraiment difficile. La culture n’est pas la seule à être frappée par ces difficultés, mais la particularité des opéras est que le répertoire que nous jouons a ses exigences en termes de nombre d’interprètes et de moyens à mettre pour pouvoir le jouer. Cela pose forcément la question de la création : peut-être faut-il adapter la création non seulement aux sujets actuels, mais aussi aux moyens dont nous disposons aujourd’hui. Mais quoi qu’il en soit, si notre mission reste de jouer et faire connaitre notre répertoire, qui est extrêmement large, cela ne peut se faire qu’avec des moyens financiers qui viennent de la sphère publique. Il n’y a pas aujourd’hui d’autre solution.
J’ai pointé dans mon rapport l’urgence qu’il y avait à soutenir certaines maisons, ainsi que l’attention qu’il fallait porter à la sortie de crise du Covid, après cette période où l’Etat a été très présent et nous a vraiment soutenus afin que nous poursuivions une activité et que nous maintenions le travail des artistes. Il faudrait mettre autour de la table le Ministère, les villes et les régions afin de bien définir nos missions et que nous puissions répondre aux interrogations qu’il peut y avoir sur la gestion de nos institutions, qui sont lourdes et compliquées vues de l’extérieur. Il faut que nous puissions montrer l’impact que nous avons, en termes de représentations, de spectateurs touchés.
Le rapport que vous avez dirigé vous avait été demandé par la Ministre de la Culture de l’époque, Roselyne Bachelot : quel a finalement été l’impact de ce rapport ?
Suite au rapport, des ateliers ont été mis en place sur des sujets techniques, qui sont très importants pour moi, comme celui de la création ou celui de la carrière des musiciens et des chanteurs, qui est lié à des questions d’organisation et de financement. Ce sont des sujets de fond, primordiaux, mais le sujet des missions et du financement associé, n’est pas encore sur la table. Nous savons que la période est extrêmement difficile pour les collectivités territoriales, mais il faut que nous puissions nous poser ces questions.
Concrètement, quelles seront les conséquences de la situation économique sur la programmation de la prochaine saison de l’Opéra de Lille ?
J’ai dû annuler un opéra baroque que nous devions accueillir en coproduction à l’automne 2023. Afin de ne pas mettre en danger l’ensemble qui porte le projet, nous sommes restés coproducteurs mais nous ne le jouerons pas : ces représentations s’inscrivaient dans le cadre d’une tournée, mais il n’y aurait pas de sens à reprendre seuls ce spectacle sur une saison ultérieure. Au moins, nous permettons au projet de faire le reste de la tournée, ce qui n’aurait pas été possible sans notre apport.
Je me suis aussi résolue à annuler la création que nous devions proposer en janvier 2024. Nous essaierons de la reporter sur l’année suivante si nous en avons les moyens. C’était la seule chose qui était encore annulable. Les contrats pour le grand répertoire sont signés très longtemps à l’avance, il n’a donc été possible que de réduire le nombre de représentations, alors que pour la création, parce que l’aléa est plus grand, les contrats sont signés plus tardivement. Nous remplaçons cette création par une œuvre contemporaine (bien moins lourde budgétairement), donc le public s’y retrouvera, ce qui est l’essentiel. En revanche, nous n’aurons pas d’opéra baroque la saison prochaine, ce que je n’aurais jamais pu imaginer. Ces décisions sont des non-choix, qui m’obligent à faire le contraire de ce que j’ai toujours défendu : la création, le baroque et le fait de jouer les productions sur plus de représentations pour toucher un public plus large. Pour la saison suivante, je suis très en retard car j’ai déjà des gros projets de calés, mais je ne sais pas encore ce que nous pourrons faire en plus.
Evoquons des sujets plus joyeux : vous dirigez l’Opéra de Lille depuis 2001 et avez préparé sa réouverture en 2003. En quoi votre manière de programmer a-t-elle évoluée ?
L’Opéra de Lille a beaucoup changé depuis sa réouverture car nous avions peu de moyens. Ceux-ci se sont consolidés avec le temps grâce à la dynamique dont nous bénéficions dans cette région, où la culture compte. L’Etat nous a reconnus au travers du label de Théâtre lyrique d’intérêt national. Dans les premières années, j’ai fait le tour du répertoire qui était le plus abordable en terme de coût plateau, qui est notamment lié au nombre de rôles et à leur difficulté (les rôles les plus exigeants nécessitent de distribuer des artistes de très haut niveau). Grâce à des moyens renforcés, nous avons ensuite pu jouer des répertoires demandant plus de moyens.
Au début de mon mandat, j’ai invité beaucoup de metteurs en scène de théâtre, qui n’avaient jamais fait d’opéra mais ont continué ensuite, Jean-François Sivadier étant le plus connu. Il y a un attrait pour cela aujourd’hui, mais c’était assez rare à l’époque. Nous arrivions à les faire venir en leur proposant de longs temps de plateau (car nous programmions peu d’opéras). C’est en effet extrêmement difficile pour un metteur en scène de théâtre de ne répéter en plateau que dans les tous derniers jours. J’ai évolué car je participe désormais à des coproductions avec de grandes maisons internationales, comme ce fut le cas pour la Cendrillon par Pelly, que nous avons coproduit avec Covent Garden. Il a ainsi fait une somptueuse production du Songe d’une nuit d’été la saison dernière, qui sera beaucoup reprise à l’étranger, et il revient pour une Chauve-Souris qui va être formidable, avec beaucoup de subtilité et d’humour.
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Par ailleurs durant les dix premières années, nous travaillions beaucoup avec des chanteurs internationaux, notamment pour que leur langue maternelle colle à la langue du livret, ce qui permettait un vrai travail sur la couleur de la langue. Depuis que je collabore avec Josquin Macarez qui a une très bonne connaissance des artistes français et une vraie capacité à prévoir le bon moment pour une prise de rôle, nous invitons beaucoup plus de chanteurs français : nous faisons alors appel à des coachs vocaux pour travailler la couleur de la langue.
Sur la danse, j’ai toujours recherché des artistes dont le langage est créatif en veillant à ne pas être sur les mêmes propositions que les autres scènes proches de Lille dont la programmation était riche au début des années 2000. Ce n’est plus tout à fait le cas, ce qui m’a amenée à développer la venue de productions d’envergure, souvent de répertoire. Nous avons de ce fait réduit notre soutien à la création et je le regrette.
Après plus de 20 ans de direction, comment envisagez-vous la suite ?
J’avais annoncé mon départ en juin 2022 car il me semblait qu’il fallait un renouvellement. Je serais incapable de défendre certaines œuvres qui me sont moins proches, je ne saurais pas quel metteur en scène choisir. Or, je ne veux pas programmer des œuvres pour lesquelles je ne suis pas totalement convaincue, sans quoi je n’ai rien à transmettre aux artistes, aux équipes et au public. Quelqu’un d’autre pourra apporter d’autres idées. Finalement, on m’a demandé de prolonger pour gérer la crise du Covid. A l’époque, nous ne savions pas qu’il y aurait aussi une crise économique. J’ai prolongé jusqu’en 2025, avec plaisir car j’adore cette maison, mais il sera alors vraiment temps de m’arrêter.
Quel est votre top 3 des productions les plus marquantes de votre mandat ?
Madame Butterfly mis en scène par Jean-François Sivadier pour sa première production d’opéra reste un souvenir extraordinaire. Le Vaisseau fantôme était important aussi car il s’agissait de la première fois que nous faisions un Wagner. C’est en effet mon seul regret : ne pas pouvoir faire ici les grandes œuvres de Wagner, Strauss ou Berg car la fosse d’orchestre ne le permet pas. Je me souviens aussi de la queue qui faisait tout le tour de l’opéra pour une Traviata, peu après la réouverture, à une époque où la billetterie n’était pas encore dématérialisée.
J’ai beaucoup aimé travailler la création, notamment avec Le Balcon, mais aussi le baroque avec Le Concert d’Astrée. Ces collaborations continues sur des répertoires si spécifiques permettent d’apprendre beaucoup. Ces artistes m’ont nourrie et ont nourri les équipes de l’opéra.
Vous fêtez également les 100 ans de l’Opéra : comment avez-vous choisi de célébrer cet anniversaire ?
Pour cet anniversaire, nous aurons trois œuvres fortes. Don Giovanni est l’œuvre par laquelle nous avons fait la réouverture il y a 20 ans, mais c’est anecdotique car il n’y a pas besoin d’un anniversaire pour jouer cette œuvre. Tristan et Isolde est forcément un évènement et La Chauve-Souris apportera de la joie. Je voulais aussi proposer un évènement festif inspiré de ce qui se fait à Vienne avec ces grands parquets qui recouvrent le parterre pour former une piste de danse. Sur ce "dancefloor", il y aura un spectacle proposé par Boris Charmatz pour sa première création avec l’ex-compagnie de Pina Bausch, le Tanztheater Wuppertal. Le public sera sur le plateau et dans les balcons. Nous utiliserons aussi cette piste de danse pour faire des bals : nous avons invité des orchestres un peu différents, des DJ, du swing, etc. Nous allons mélanger les publics. Les enfants auront d’ailleurs aussi leur bal. Enfin, après un gros travail de recherche, nous allons éditer un livre "Une maison d'opéra au XXe siècle" aux éditions Snoeck afin de retracer l'histoire de l'Opéra de Lille.
À quoi ressembleront les deux concerts-célébration ?
Pour le premier, nous invitons Gabrielle Philiponet et le pianiste Jean-Michel Dayez pour un programme de gala reproduisant en partie celui qui a inauguré l’Opéra en 1923, avec des extraits d’opéras, notamment de Lalo, Bizet ou Gounod, qui étaient très joués à l’époque. Gabrielle Philiponet sera bien sûr formidable dans ce répertoire.
Et puis l’Association franco-allemande de Cologne m’a contactée car ils se souvenaient que nous fêtions les 100 ans de l’Opéra. Or, pendant la première guerre [l'Opéra fut construit entre 1907 et 1913 mais inauguré en 1923, ndlr], les allemands ont occupé le théâtre : en signe d’amitié, ils viendront donner un concert avec les artistes du Studio de l’Opéra de Cologne, autour d’airs d’opéras français et allemands. Ils nous offrent ce concert.
Vous ouvrirez la saison avec Don Giovanni dans une mise en scène de Guy Cassiers, qui a récemment présenté The Indian Queen à Lille : à quoi ressemblera cette production ?
J’avais une hésitation en lui proposant cette production car il travaille généralement de grandes œuvres littéraires dont il extrait une pièce pour la scène. À ce titre, The Indian Queen était très adaptée. Ce n’est pas le cas cette fois, mais il me semblait que le sujet pouvait l’intéresser, avec notamment la question de ce qu’est la liberté, ce qu’est la séduction et le rapport entre hommes et femmes. Après réflexion, il m’a dit qu’il avait très envie de le faire. Ce sont donc ces questions qui seront traitées dans sa mise en scène, avec un travail sur le contraste entre la fraicheur avec laquelle Mozart a traité ces sujets et la gravité du problème.
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Vous poursuivez à cette occasion votre collaboration avec Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée qui est en résidence : comment avez-vous construit et nourrissez-vous cette fidélité ?
C’est une belle aventure car Emmanuelle venait de créer son ensemble lorsque j’ai pris la direction de l’Opéra en 2001. L’idée était de démarrer ensemble. Le premier opéra qu’elle a dirigé avec Le Concert d’Astrée était Tamerlano de Haendel à Lille en 2004. Il y a tellement d’œuvres qu’elle a envie de faire qu’il est facile de monter des projets avec elle : elle a envie de tout. La seule fois où elle s’est posé une question, c’était sur La Fausse Jardinière car elle avait l’habitude de jouer des pièces sérieuses. Elle a d’abord regretté d’avoir dit oui, mais y a finalement pris beaucoup de plaisir. L’Opéra de Lille a bénéficié de la notoriété d’Emmanuelle qui travaille dans beaucoup de très grandes maisons. Cela nous a permis par exemple de coproduire Idoménée de Campra avec l’Opéra d’Etat de Berlin qui voulait l’inviter.
Pouvez-vous nous présenter la distribution ?
Nous n’aurons presque que des prises de rôles. Le fait d’avoir peu de moyen nous amène à ce fonctionnement : nous pouvons offrir de bonnes conditions pour une prise de rôle, avec une taille de théâtre qui n’est pas gigantesque même si nous avons 1.100 places, et une très bonne acoustique. Cela nous permet d’inviter des artistes que nous ne pouvons plus avoir ensuite car ils travaillent souvent dans des théâtres avec plus de moyens. Nous connaissons déjà bien Emöke Baráth et Chiara Skerath (Donne Anna et Elvira). Le public connait moins Jarrett Ott ou Vladyslav Buialskyi (Don Giovanni et Leporello), qu’Emmanuelle Haïm a repérés comme des chanteurs hors pairs, mais qui sont aussi de bons acteurs.
Le public lillois verra la production de Tristan et Isolde créée par Tiago Rodrigues à Nancy cette saison : qu’en aviez-vous pensé ?
C’est une proposition vraiment intéressante, qui explore le rapport à ces œuvres très longues dont les textes s’étirent sans que l’action soit particulièrement vive. La très belle production récemment créée à Gand et Anvers ne proposait aucun surtitrage. C’est une manière de demander au public de s’abandonner à la musique. Tiago Rodrigues aborde le drame avec un brin d’humour, ce qui le rend encore plus frappant. Ici, il met en place un procédé intéressant dans sa construction : dans l’introduction, il porte une réflexion sur le surtitrage d’un opéra qui paraît presque embêtante, puis au premier acte, il y a les surtitres et un texte parallèle dont il est l’auteur. Puis, tout d’un coup, aux actes II et III, le procédé devient extrêmement puissant, par la présence et le geste des danseurs, qui prennent de plus en plus de sens par rapport au livret. Il y a aussi la très belle image de ce tas de panneaux qui devient le lit de Tristan. La scénographie, qui tourne autour de l’idée de la mémoire avec ces archives, est visuellement très belle. Cette mise en scène laisse aussi la place au jeu des chanteurs, ce qui est toujours difficile tant ils doivent être concentrés sur leur chant. Nous changerons d’ailleurs de distribution par rapport à la production nancéenne.
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Justement, qu’attendez-vous du couple Daniel Brenna / Annemarie Kremer ?
Dans ces rôles, ce qui est important, c’est la couleur de la voix et l’intensité dramatique qu’ils peuvent investir, bien sûr, mais surtout la capacité vocale : tenir jusqu’au troisième acte est une performance colossale pour Tristan, tandis que la tessiture d’Isolde est très étendue. Daniel Brenna effectuera sa prise de rôle à cette occasion : je m’attends à une interprétation très puissante. Marie-Adeline Henry et Alexandre Duhamel prendront quant à eux les rôles de Brangäne et de Kurwenal.
Comment le choix de Cornelius Meister à la direction musicale s’est-il fait ?
Nous avons une collaboration par an avec l’Orchestre national de Lille, toujours pour du grand répertoire. Quand je leur ai proposé Tristan et Isolde, ils étaient ravis et m’ont suggéré de réfléchir ensemble au choix du chef. Or, Cornelius Meister les a dirigés pour du répertoire romantique et il y avait eu un très bon contact. L’avoir pour cette production est une belle marque de qualité.
Pourquoi avoir choisi de présenter le Stabat mater de Scarlatti mis en scène ?
Ce n’est pas une commande de ma part, mais une proposition de Simon-Pierre Bestion et La Tempête, que j’apprécie beaucoup. Ils ont une approche beaucoup moins puriste que la génération précédente, avec des instruments d’aujourd’hui qui peuvent interpréter des œuvres anciennes, et une recherche de couleurs différentes. L’aspect visuel est très important pour eux afin de transmettre l’œuvre artistique. Ils mèneront ce projet avec Maëlle Dequiedt, une jeune metteuse en scène de théâtre qui a habité dans la région (une partie de son équipe y est d'ailleurs toujours). Elle a fait ici un projet avec des enfants et des chanteurs solistes autour des Noces de Figaro. L’œuvre est courte : elle sera donc agrémentée de textes et de musiques écrites par Simon-Pierre Bestion. C’est en plus une manière de soutenir en coproduction un ensemble, dans une période où ces compagnies indépendantes vont être mises en difficulté.
Les chanteurs seront aussi comédiens, musiciens ou danseur : à quoi faut-il s’attendre ?
C’est vraiment la démarche de Simon-Pierre Bestion : tout le monde est sur scène. Il s’entoure de chanteurs musiciens et les choisit en fonction de sa dramaturgie musicale. C’est ce que je trouve original et intéressant, assez typique de cette nouvelle génération, nourrie par le bagage historique et informé que la génération précédente leur a transmis, qu’ils retraduisent différemment.
Quatrième et dernier titre, La Chauve-Souris dans une nouvelle production de Laurent Pelly : pourquoi avoir choisi de lui faire travailler ce titre ?
Il a d’abord été assez prudent lorsque je lui ai parlé de ce projet car il est plus habitué au répertoire français. Mais cet opéra est inspiré d’une pièce de théâtre de Meilhac et Halevy, Le Réveillon, qui se passe à Pincornet-les-Bœufs, dans une petite ville bourgeoise du centre de la France, où chacun a ses rancœurs, ses jalousies. Il s’agira ici d’une version française reprenant les noms de la pièce d’origine, avec une adaptation des dialogues par Agathe Mélinand.
La production est annoncée comme une adaptation de Moshe Leiser et Patrice Caurier : quel a été leur rôle exactement ?
Moshe Leiser et Patrice Caurier ont créé une réduction de l’œuvre pour un quintette, et ils avaient traduit et adapté toute la partie chantée, ce qui est toujours difficile. J’ai proposé à Laurent Pelly de reprendre cette traduction, qui est très bien faite d’un point de vue vocal.
Qui est Johanna Malangré qui tiendra la baguette ?
Elle dirige l’Orchestre de Picardie depuis un an. Elle est encore toute jeune mais elle est formidable dans l’esprit par lequel elle aborde les œuvres et dans son rapport aux musiciens. Ce sera sa première production lyrique en France. Laurent Pelly est très heureux de travailler avec une jeune cheffe d’orchestre, qui va apporter une proposition très fraiche de l’œuvre.
Cette production sera retransmise sur grand écran. Cela fait maintenant des années que vous avez cette proposition : quels effets en constatez-vous sur votre public ?
Nous avons fait des enquêtes qui montrent que beaucoup de spectateurs n’avaient jamais vu d’opéra avant ces retransmissions. Nous cherchons aussi à aller dans des villes qui sont loin de Lille. Cette année, nous ne retransmettrons pas sur la place de l’Opéra, car cela demande des moyens que nous ne pouvons assumer dans le contexte actuel (cela fait partie des dépenses que nous pouvions couper), mais dans la salle de l’Orchestre, au Nouveau Siècle. Au moins, nous sommes donc assurés d’être au chaud et au sec, confortablement installés, même si ce ne sera pas la grande fête dont nous avons l’habitude, avec des milliers de personnes. L’Opéra sera tout de même retransmis dans 22 villes de la région. Ce dispositif a pour but de montrer que l’opéra peut être une fête, accessible à tous. Nous tenons à ce que ce soit gratuit car ce n’est tout de même pas tout à fait l’opéra, pas tout à fait le spectacle : il faut que les gens viennent voir en salle ce que c’est. Un jour, il serait intéressant de faire une enquête pour savoir, dans le public de l’Opéra, qui a vu son premier spectacle lyrique lors de l’une de ces retransmissions.
Vous poursuivez le travail avec Finoreille : en quoi consiste ce dispositif ?
En 2015, après plus de 10 ans d’actions variées dans les établissements scolaires, qui permettent aux enfants de venir à nous, nous avons souhaité aller à eux. Nous voulions aussi un processus qui s’étende dans le temps et qui ne soit pas une seule rencontre. Aller au spectacle, c’est un engagement : il faut s’y prendre à l’avance, et on ne sait jamais ce qu’on va voir, si on va aimer. Il faut donc aller voir plusieurs spectacles pour se faire une oreille.
Finoreille est donc une proposition d’ateliers (et pas une maîtrise ou un chœur d’enfants) de pratique vocale. Nous allons partout dans la région, en lien avec les écoles mais la plupart du temps en dehors du temps scolaire. Les enfants qui le souhaitent peuvent participer, sans audition et sans sélection. Certains enfants viennent assister pendant un mois aux ateliers sans participer, sans chanter, puis se lancent d’un coup. C’est une manière d’apprendre à s’exprimer devant les autres. Nous allons beaucoup dans des quartiers dits prioritaires (dans les trois quarts des cas), mais pas seulement. Nous mélangeons les quartiers urbains et les quartiers ruraux. Nous avons aujourd’hui 19 ateliers (dont un dans un hôpital) et 340 enfants entre 8 et 12 ans. C’est une très grosse organisation menée par huit chefs de chœur, avec des ateliers qui se déroulent toutes les semaines. Le résultat est au-delà des espérance que nous avions à l’origine, tant en termes artistique (nous pouvons emmener ces enfants très loin) que humain (notamment dans la relation avec les parents que nous touchons aussi indirectement).
Quels seront les grands évènements danse de la saison ?
Nous montrerons beaucoup de chorégraphes qui ont été importants pour la maison. D’abord, il y aura donc la création de Boris Charmatz que j’ai mentionnée, qui sera l’évènement chorégraphique de la saison. Nous reprendrons une pièce existante de Maguy Marin, qui reviendra avec Umwelt, une pièce magnifique. Anne Teresa De Keersmaeker, qui est venue pratiquement tous les ans depuis 20 ans, présentera sa prochaine création. Christian Rizzo présentera en son lieu, la dernière pièce qu’il a créée, que nous donnerons hors-les-murs. Enfin, Pierre Pontvianne, une personnalité formidable, proposera lui aussi hors-les-murs une création qu’il est venu travailler ici en résidence. C’est une manière de continuer à soutenir la création et des chorégraphes qui font un travail sur des langages nouveaux.