Dans les coulisses des Invalides : la construction d’une saison musicale originale
Un lieu de Musiques
Le Général Henry de Medlege, qui dirige le Musée de l'Armée aux Invalides depuis 2020, le proclame d’emblée : “La saison musicale est une composante à part entière de la programmation culturelle du Musée de l’Armée. La 'saison musicale', même si elle porte toujours le même nom, se réinvente constamment chaque année, d’abord pour valoriser l’édifice des Invalides : un lieu intrinsèquement lié à la musique, puisqu’il accompagne à la fois des célébrations religieuses en la Cathédrale Saint-Louis des Invalides où se produit une grande partie de nos concerts, et par les célébrations militaires d’un site qui a été créé par Louis XIV en 1670. Le Roi Soleil était certes un roi de guerre mais il était aussi un protecteur des arts, dont la danse et la musique, qui ont essaimé le style français à travers toute l’Europe. Telle est la continuation du passé, qui se réinvente aussi chaque saison car, tout au long de l’année, nous proposons au public des cycles de concerts en lien avec l’actualité commémorative et les expositions temporaires du Musée. Il n’y a pas de saison musicale sans connaissance préalable de la programmation culturelle, pour qu’il y ait un répondant et une dynamique permanente par rapport aux expositions : la musique n’est pas une excroissance de la programmation culturelle du Musée de l’Armée.”
Ces actions sont soutenues par le mécénat du CIC. Un soutien qui s’inscrit dans une stratégie globale que nous présente Laurent Berthet, Directeur des partenariats de la banque : “Le CIC a récemment adopté le statut d’“entreprise à mission”, s’impliquant et étant présente dans différents aspects de notre vie quotidienne. Ces actions sont donc particulièrement importantes car elles font partie de l’ossature, de la structure principale des actions menées par le CIC en partenariat : nous avons d’importants engagements dans le sport, mais nos engagements avec la musique classique sont les plus anciens et les plus forts. Nous sommes ainsi également présents aux côtés du Festival de Pâques d'Aix-en-Provence, de La Folle Journée de Nantes ainsi que de différents rendez-vous. Cela prouve l’importance pour nous de valoriser, aider et accompagner les grands rendez-vous de musique classique.”
Cette forte implantation dans la musique classique des territoires trouve son origine dans l’organisation même de l’entreprise : “Le CIC est organisé en banques régionales et chacune d’entre elles mène plusieurs actions. Ne serait-ce que dans le domaine de la musique, le CIC Ouest soutient ainsi La Folle Journée de Nantes, le CIC Nord-Ouest accompagne l’Opéra de Lille et l’Orchestre national de Lille, le CIC Lyonnaise de Banque accompagne son Opéra national ainsi que différents Festivals (dont celui d’Aix-en-Provence) et dans le Sud-Ouest nous sommes présents aux côtés de l’Opéra de Bordeaux, et de Festivals dans la région : cette forte implication dans toutes les régions accompagne ainsi la musique classique, aussi bien par ses orchestres, ses salles et ses festivals. Ce sont d’une certaine manière les locomotives de nos implications, qui vont aussi entraîner des accompagnements d’expositions et de Musées (celui de La Piscine à Roubaix ou celui du Musée de Pont-Aven en Bretagne par exemple).”
Une programmation “de concert”
Dans ce paysage de soutiens artistiques, le lien entre le Musée de l’Armée aux Invalides et le CIC tient une place toute particulière, comme en témoigne le Général Henry de Medlege, en retraçant les origines de ce soutien, qui fête cette saison ses 20 ans : “Le partenariat a commencé en 2003 au moment où le CIC a financé la restauration des fresques de Joseph Parrocel représentant les conquêtes de Louis XIV dans la Salle royale du Musée (une des grandes salles de réfectoire voulues par Louis XIV pour les Invalides). L’année suivante, en 2004, le CIC est passé des fresques à la musique. Depuis et sans discontinuer, il prend en charge une partie de nos concerts de la saison musicale, et s’insère dans nos cycles de programmation. Nous accueillons notamment, autour de ces saisons musicales et en la Cathédrale Saint-Louis des Invalides, les concerts des lauréats des Victoires de la Musique Classique qui sont organisées par le CIC.”
“Ce partenariat avec le Musée de l’Armée aux Invalides, dont nous abordons la 20ème année, poursuit Laurent Berthet, est très important car il symbolise l’implication culturelle du CIC auprès du Musée de l’Armée et du monde de la musique classique. Cette initiative n’est pas la seule mais elle montre l’implication forte et directe du CIC, à travers une dizaine de concerts de la saison. La musique classique est un vecteur qui correspond bien à un certain type d’actions que nous voulons mettre en avant, à ce que nous voulons promouvoir et accompagner : les musiciens, les salles, les festivals, pour leur permettre de fonctionner normalement, de trouver leur public, comme pour nous de donner accès à nos clients à des événements dans des cadres somptueux pour de beaux moments de musique classique. Cette action permet de faire vibrer Les Invalides de manière différente par rapport à celle, solennelle et officielle, qui est la sienne d’habitude. Il est ainsi très agréable de faire vibrer en musique ces pierres symboliques et fort belles.”
Concrètement, et à l’image même de la musique, il s’agit pour le CIC d’accompagner la saison musicale, d’une manière à la fois riche et planifiée mais précisément mesurée, comme l’explique Laurent Berthet en poursuivant et concluant la présentation de ce mécénat : “Il y a 10 rendez-vous plus spécifiquement liés au CIC, que nous programmons avec nos invités (d’après des suggestions de professionnels de la musique), en invitant des spectateurs, valorisant aussi ce remarquable écrin qu’est la Cathédrale Saint-Louis. Ces concerts s’inscrivent dans une programmation plus large d’une trentaine de rendez-vous pour lesquels le Musée de l’Armée reste bien entendu à la manœuvre. Le Musée de l’Armée a une programmation d’expositions décidées deux années à l'avance. Grâce à cette visibilité, nous faisons résonner les choix musicaux avec ces expositions. Nous proposons ainsi une complémentarité visuelle et auditive.”
Les trois axes d’une saison musicale
Le Général poursuit et élargit : “Nous ouvrons nos concerts aux jeunes qui sont issus de quartiers défavorisés pour leur faire découvrir la musique. Nous avons ainsi accueilli, pour notre dernière initiative, des jeunes issus d’Espérance Banlieues qui sont venus découvrir nos instruments de musique en visitant notre cabinet insolite réalisé en partenariat avec le Musée de la Musique à la Philharmonie de Paris. Nous avons en effet un dépôt d’une trentaine d’instruments : nous leur montrons ces collections, nous leur présentons un concert particulier qui raconte l’histoire de ces instruments et ils peuvent parler avec les musiciens pour voir combien la musique est à leur portée. Nous réunissons ainsi nos actions de service public pour la jeunesse avec les actions de responsabilité sociétale des entreprises.
La deuxième orientation est de mettre en exergue les femmes compositrices, un dessein que nous allons intégrer au cours de l’un des cinq cycles de cette saison musicale, qui sera nommé « Femmes compositrices, une plume pour seule arme ». C’est l’occasion de faire redécouvrir ou de réhabiliter le talent des femmes compositrices du XVIe siècle à nos jours. Dans ce principe, l’idée est aussi d’avoir une saison musicale originale, en lien avec l’activité culturelle du Musée de l’Armée. En conséquence, nos cycles proposent des concerts relevés, originaux, avec des artistes méconnus ou parfois très connus mais pas si fréquents sur les scènes parisiennes, le tout dans des programmes réunissant de grands compositeurs et des raretés. Cette diversité et cette respiration nous permettent d’élargir la palette de nos mélomanes. C’est une marque que nous avons en commun avec le CIC : la jeunesse, la mixité, l’originalité et le désir d’attirer une jeunesse peut-être moins habituée à ces musiques.
Le dernier principe est celui de la composition en résidence. Pour mémoire nous en accueillons quatre cette saison. Karol Beffa a créé pour nous en 2021 le Tombeau de Napoléon pour chœur et orchestre et reviendra à l’honneur de quatre concerts. Édith Canat de Chizy sera la figure de proue du cycle consacré aux compositrices. Kryštof Mařatka, compositeur tchèque, s’insèrera dans notre cycle « L’homme et le Sacré », en écho à l’exposition temporaire importante l’année prochaine sur les guerres de religion : les œuvres de Kryštof Mařatka seront jouées lors de trois temps forts de la programmation du Musée, notamment les Journées européennes du patrimoine et la Nuit européenne des musées qui sont l’occasion de faire découvrir les lieux à une foule nombreuse allant au-delà des expositions (depuis plus de trois ans, nous sommes le site parisien le plus visité à l’occasion des Journées européennes du patrimoine). Enfin, le dernier compositeur en résidence sera Marc-Olivier Dupin avec le chef d’orchestre de la Garde Républicaine, le colonel François Boulanger : ces deux artistes s’inscrivent dans la saison musicale des Invalides à travers notamment un mélodrame inspiré de La légende des siècles de Victor Hugo. Cette nouvelle œuvre s'inscrira aussi dans le cycle « L’homme et le Sacré », et nous l’attendons avec impatience.”
De la musique dans un tout artistique
Pour le Général, la musique s’intègre ainsi dans un tout intégrant l’ensemble des activités du Musée de l’armée : “Nous avons en moyenne deux expositions temporaires par an au Musée de l’Armée, qui durent entre quatre et six mois, auxquelles s’ajoutent des expositions éditorialisées, c’est-à-dire mettant en exergue des sections particulières de nos collections, qui peuvent être dans nos réserves et que nous mettons ainsi à l’honneur en les insérant dans les parcours permanents pour permettre un certain nombre de commémorations. Dans les deux cas et pour citer directement des exemples : cette année nous commémorons les 80 ans des combats de Bir Hakeim et une exposition éditorialisée est ainsi installée à l’entrée de l’Historial Charles de Gaulle, tandis qu’à l’intérieur de nos collections permanentes, nous retraçons pas à pas 400 ans de l’histoire des troupes de marine. La programmation culturelle, ce sont en effet à la fois des expositions mais aussi des commémorations.
Nous avons aussi l’habitude de faire un certain nombre de commémorations ou de manifestes plus imposants, qui sont la marque, l’ADN du musée. Pour cette année, nous aurons d’abord une commémoration des 30 ans des forces spéciales : à partir du 12 octobre jusqu’au 29 janvier de l’année prochaine, une exposition majeure sera présentée en coproduction avec le commandement des opérations spéciales pour l’anniversaire de la création de ces unités d’élite : nous sommes donc vraiment dans la célébration de cette création.
Nous avons aussi une exposition temporaire intitulée « Photographies en Guerre » qui donne à voir, sous un angle particulier et hélas d’actualité, notre fonds photographique exceptionnel comptant plus de 80.000 photos, notamment de guerre [et qui inspirait un grand cycle musical la saison dernière, ndlr]. C’est l’occasion de mettre en exergue ces archives pour nos visiteurs avec toute une réflexion qui tire vers le haut, sur ce qu’est la photographie en guerre, sur ce qu’elle devient par la suite, pourquoi elle devient iconique ou non, quel message officiel ou officieux elle donne à voir. Par exemple au travers d’un aphorisme : « Ce que vous croyez n’est pas ce que vous voyez ». Une exposition comme celle-ci entre évidemment en résonance de manière très forte avec l’actualité de la guerre en Ukraine puisque les premières photographies sont de 1853 avec la Guerre de Crimée et les dernières sont de 2017 et parlent de la guerre dans le Donbass. Elles sont donc un lien avec l’actualité tout en rappelant le fond exceptionnel que nous avons et que nous continuons de fournir.
Le troisième exemple est celui de l’exposition Histoire et Collections du Musée de l’Armée. C’est l’occasion pour nous de montrer le cœur de nos activités à travers les acquisitions du Musée de l’Armée puisque c’est notre centre de gravité avec le patrimoine (le site tel qu’il est et que nous faisons résonner avec la musique). L’exposition elle-même montre les différents types d’acquisitions du Musée depuis 100 ans, des acquisitions passées, présentes et pour l’avenir, donc en résonance avec le projet du Musée de l’Armée de se développer dans le futur, de se transformer dans le cadre du projet ministériel Minerve.”
Autant de projets qui résonnent et s’incarnent dans la musique proposée aux concerts des Invalides (à retrouver dans nos comptes-rendus réguliers). Et les résonances de toutes ces actions trouvent des échos dans tous les domaines, aussi bien pour la programmation culturelle et artistique que dans le champ muséal et de la recherche, comme le rappelle le Général : “Pour chacune de nos expositions, nous accueillons des colloques, qui mènent ensuite à la publication d'actes (qui résonnent avec la partie musicale et la partie muséale). Nous avons la capacité de monter ces colloques avec des intervenants extérieurs de très bon niveau, des historiens et chercheurs car nous sommes aussi un des piliers de la mission Histoire du Ministère des Armées grâce à nos historiens, chercheurs, conservateurs qui sont la part agissante d’un réseau qui nous dépasse mais que nous invitons.”
Un nouvel horizon pour le Musée des Invalides : le projet Minerve
Le musée s'embarque également dans un grand projet, nommé “Minerve”, visant à bâtir le musée de demain (horizon 2030) et que le Général nous détaille comme un plan de batailles à venir : “Le projet Minerve a trois objectifs. Le premier est de revoir l’expérience du parcours de nos visiteurs qui ont évolué depuis des générations. Nous souhaitons moderniser l’expérience de visite : revoir à la fois la déambulation et la scénographie, la façon de se poser et de respirer dans le Musée, l’accueil et la médiation parce que la population évolue, elle est plus diverse, plus jeune et plus intergénérationnelle.
Deuxièmement, la montée en puissance de nos expositions doit se faire, en préservant à la fois la diversité, la sécurité, l’écosystème et l’écologie avec des matières durables et une organisation logistique séparée du monde des visiteurs pour que nos expositions permettent de faire des économies générales plus intelligentes.
Le troisième objectif consiste à développer quatre parcours permanents supplémentaires. Le premier d’entre eux sera centré sur l’histoire du site de l'Hôtel des Invalides, entre Histoire et Mémoire. Ce parcours sera ouvert avant les Jeux Olympiques de 2024, un rendez-vous majeur du site pour élargir le nombre de nos visiteurs (nous serons un des balcons face aux événements se tenant notamment devant l’esplanade des Invalides). Le deuxième parcours sera celui sur l’actualité de nos opérations pour donner de la profondeur de vue aux opérations militaires françaises, pour donner une compréhension de ce que l’armée, et plus généralement la France et le Président de la République, décident. Pour comprendre aussi la géopolitique, l’histoire du territoire mais aussi l’organisation de l’armée et comment se passe une décision à caractère opérationnel : ce parcours se retrouvera à partir de 2026. Le troisième parcours doit répondre à un manque, celui des actualités militaires de 1945 à nos jours puisque nous ne retraçons pas de manière permanente ce qu’a été notre période militaire à travers cette époque, depuis la guerre froide, la dissuasion nucléaire, et les opérations hors de France qui ont marqué l’histoire mondiale (comme la guerre de Corée par exemple), ainsi que toutes les opérations qui ont lieu à partir des années 1990 au moment du passage de l’armée de conscription à l’armée de métier (en ex-Yougoslavie, Afghanistan, Mali et autres pays d’Afrique, entre autres). Enfin, un dernier parcours majeur sur la colonisation et la décolonisation puisque nous retraçons ce qu’a été, jusqu’à la décolonisation, le rapport de la France militaire au monde avec un parcours qui nous mènera du XVIe siècle jusqu’à nos jours, qui parcourra l’Afrique et l’Asie mais aussi nos liens et nos interventions aux Indes comme aux Amériques en intégrant l’histoire de toute une jeunesse issue de la diversité et qui pourra se reconnaître dans cette histoire de colonisation et décolonisation, qui fait partie intrinsèquement de l’histoire de nos armées.
Ce sont donc des parcours extrêmement riches qui s’étaleront de 2024 à 2030 dans le cadre de ce projet Minerve.” Et qui résonneront bien entendu en musique, avec le soutien du CIC.
Chouette alors ! Ce samedi 14/11 dès 17h, à l'occasion de la #NuitDesMuséesChezNous, nous vous proposerons sur Twitter une visite à la lampe torche du Musée, du Dôme et des lieux inaccessibles au public (chut) : sous le regard de la chouette de Minerve gardant les #Invalides ! pic.twitter.com/nQRdPx1ETz
— Musée de l'Armée - Invalides (@MuseeArmee) 13 novembre 2020