Nouveaux artistes et défis pour la 1ère saison de Lotte de Beer à la tête du Volksoper de Vienne
En ce mois de septembre 2022, Lotte de Beer succède à Robert Meyer au directorat du Volksoper de Vienne, devenant la première femme à tenir cette position. Son début de mandat et sa première saison se distinguent de son prédécesseur par un changement de concept, incluant un nouveau site internet, de nouvelles équipes, et notamment la fondation d'un Opernstudio. Les premières et les reprises visent à attirer de nouveaux spectateurs qui n'ont jamais franchi les portes de la maison et même ceux qui ne connaissent pas l'opéra, grâce à des comédies musicales, de l'opéra-comique et bouffe, dont la plus célèbre collaboration entre Bertolt Brecht et Kurt Weill, L'Opéra de quat'sous ainsi que l'un des chefs d'œuvres d'Offenbach : Orphée aux Enfers. De nouveaux metteurs et metteuses en scène venant du monde du théâtre consolident le nouveau visage de la maison, comme un lieu de dialogue et de rencontre entre des genres divers appartenant au théâtre musical.
La saison s'ouvrira en septembre avec la première de La Dubarry, opérette des compositeurs autrichiens Carl Millöcker et Theo Mackeben racontant la vie et les intrigues de Jeanne Bécu devenue Mme Dubarry et maîtresse de Louis XV. La mise en scène est confiée à Jan Philipp Gloger (metteur en scène entre autres du Vaisseau fantôme au Festival de Bayreuth en 2012), la direction musicale à Kai Tietje et la distribution réunira Annette Dasch (Jeanne Bécu), Lucian Krasznek (le peintre René Lavallery, son amant), Harald Schmidt (Louis XV) et Marco Di Sapia (le marquis Dubarry).
La première suivante sera une double production Iolanta et Casse-Noisette, non pas dans la version de Tcherniakov appréciée à Paris mais en coproduction avec la Tokyo Nikikai Opera Foundation mise en scène par la nouvelle Directrice de la maison, Lotte de Beer qui invitera à un parcours de maturation à la fois physique et métaphorique (recouvrer la vue et devenir adulte). Trois séries de représentations se tiendront d'octobre à décembre, d'abord sous la conduite d'Omer Meir Wellber (nouveau directeur musical du Volksoper à partir de la rentrée), avant les chefs en résidence Keren Kagarlitsky et Manuela Ranno avec les solistes Cornelia Beskow (Iolantha), Stefan Cerny (le roi René), Georgy Vasiliev (le comte Vaudemont). L'Opéra de quat'sous (Die Dreigroschenoper) mis en scène par Maurice Lenhard viendra en novembre puis en décembre et janvier, sous la direction musicale de Carlo Goldstein puis de Manuela Ranno, avec Carsten Süss (Jonathan Peachum), Ursula Pfitzner (Mme Peachum), Johanna Arrouas (leur fille Polly) et la spécialiste de Weill, Sona MacDonald dans le rôle de Macheath. Maurice Lenhard, qui assurera la fonction de Directeur artistique du nouvel Opernstudio inauguré cette saison, présentera avec son équipe une série d'échanges intitulée « Manifesto » pour ouvrir une discussion sur le présent et le futur du théâtre musical dans le contexte de sa modernisation et contemporanéité. L'Opéra de quat'sous sera d'ailleurs la première œuvre abordée dans la série de conférences.
Orphée aux Enfers d'Offenbach dans la mise en scène du duo britannique spécialiste en physical comedy Spymonkey (Aitor Basauri et Toby Park) aura lui aussi trois séries, de janvier à mars, conduites par Alexander Joel et Tobias Wögerer avec Daniel Kluge (Orphée), Hedwig Ritter (Eurydice), Timothy Fallon (Pluton), Marco Di Sapia (Jupiter) et Marcel Mohab jouant Jacques Offenbach dans une mise en abyme.
Après Promethean Fire (Le Feu prométhéen), une collaboration réunissant le Ballet d'État et l'Orchestre du Volksoper, viendra La dernière Conspiration (Die letzte Verschwörung), opérette du compositeur allemand contemporain Moritz Eggert, racontant la rencontre d'un célèbre animateur de talkshows, Friedrich Quant, avec des conspirationnistes (les flat earthers croyant que la Terre est plate). Lotte de Beer signera là encore là mise en scène. Steven Sloane dirigera, dans leurs double-rôles du monde réel et de l'univers alternatif : Timothy Fallon (Friedrich Quant), Wallis Giunta (sa femme Elisabeth et Natalya Ostrova, femme d'affaires russe), Rebecca Nelsen (Lara Lechner, une flat earther et le SYSTEM) et Orhan Yildiz (le théoricien de la conspiration, l'agent du FBI Mr. Goodman et le chancelier).
Les Joyeuses Commères de Windsor, opéra-comique d'Otto Nicolaï d'après Shakespeare, viendront dans une nouvelle mise en scène signée Nina Spijkers en mai-juin. Ben Glassberg dirigera Stephanie Maitland (Mme Reich), Anett Fritsch (Mme Fluth), Martin Winkler (Sir John Falstaff), Aaron Pendleton (M. Reich) et Daniel Schmutzhard (M. Fluth). Enfin, L'Enlèvement au Sérail dans la mise en scène de Nurkan Erpulat conclura en juin les nouvelles mises en scène de la saison, sous la baguette d'Angelo Michele Errico avec Rebecca Nelsen (Konstanze), Hedwig Ritter (Blondchen) et Timothy Fallon (Belmonte), l'interprète de Selim restant encore à choisir.
La tradition maison de confier à de nouvelles visions des reprises retravaillées d'anciennes mises en scène (Neueinstudierungen) sera accomplie avec le grand classique qu'est La Chauve-Souris (Die Fledermaus) de Johann Strauss II qui viendra même chaque mois à l'affiche. La version signée par Robert Herzl datant de 1998 qui aurait ainsi dû être traitée par Maria Happel (du Burgtheater, renforçant les liens avec le monde du théâtre souhaité par la nouvelle Directrice de l'opéra) sera finalement reprise par Carsten Süss, qui chantera également Eisenstein (peu après avoir tenu le rôle-titre de Comtesse Maritza in loco). La direction musicale sera assurée en alternance par Alexander Joel, Alfred Eschwé et Gerrit Prießnitz, avec également en alternant pour Gabriel von Eisenstein (Carsten Süss, Sebastian Reinthaller, Daniel Schmutzhard), Rosalinde (Ursula Pfitzner, Ulrike Steinsky, Anett Fritsch), Frank (Marco Di Sapia, Daniel Ohlenschläger, Alexander Fritze), le prince Orlofsky (Annelie Sophie Müller, Wallis Giunta, Katia Ledoux) tandis que l'huissier Frosch deviendra huissière Frosch incarnée par la chanteuse de cabaret Sigrid Hauser.
La reprise de La Bohème signée Harry Kupfer (1984) par Angela Brandt verra Omer Meir Wellber, Alexander Joel et Carlo Goldstein alterner à la baguette, pour diriger en Mimì (Anett Fritsch, Rebecca Nelsen), Musetta (Alexandra Flood, Lauren Urquhart), Rodolfo (Giorgio Berrugi, JunHo You) et Marcello (Andrei Bondarenko, Alexandre Beuchat). La Cenerentola signée Achim Freyer (en 1997) confira la direction à Carlo Goldstein et Manuela Ranno, avec Wallis Giunta / Annelie Sophie Müller (Angelina), Timothy Fallon (Don Ramiro), Modestas Sedlevičius (Dandini), Misha Kiria (Don Magnifico), Lauren Urquhart (Clorinda) et Stephanie Maitland (Tisbe).
La reprise ravivée suivante proposera la fameuse comédie musicale Anatevka (Un violon sur le toit, avec ses airs populaires comme "If I were a rich man") de Jerry Bock, racontant la vie et les défis d'une pauvre famille juive confrontée aux décrets d'expulsion. La mise en scène de Matthias David (débutée en 2003, avec les décors de Mathias Fischer-Dieskau) sera reprise sous la direction musicale de Steven Sloane et réunira au plateau Dominique Horwitz (Tevje), Regula Rosin (Golde), Anita Götz (Zeitel), Lisa Habermann (Hodel) et Marco Di Sapia (Lazar Wolf).
Les reprises puiseront dans les productions aussi bien récentes qu'anciennes. La Cage aux Folles dans la version comédie musicale de Jerry Herman mise en scène et chorégraphiée par Melissa King la saison dernière ouvrira cette série de reprises en septembre-octobre sous la baguette de Keren Kagarlitsky et avec Drew Sarich (Zaza, la chanteuse travestie), Thorsten Tinney (Georges, compagnon de Zaza), Jurriaan Bles (Jacob), Oliver Liebl (Jean-Michel) et Juliette Khalil (Anne Dindon, compagne de Jean-Michel).
La Flûte enchantée de Mozart signée Henry Mason (débutée en 2020) reviendra en quatre séries, de septembre à janvier, successivement dirigées par Omer Meir Wellber, Keren Kagarlitsky, Tobias Wögerer et Manuela Ranno avec en Tamino Martin Mitterrutzner / Jason Kim / JunHo You, Pamina (Rebecca Nelsen / Lauren Urquhart / Alexandra Flood), la Reine de la Nuit (Nofar Yacobi / Alina Wunderlin / Gloria Rehm), Papageno (Daniel Schmutzhard / Jakob Semotan / Michael Havlicek / Alexandre Beuchat), Sarastro (Stefan Cerny / Alexander Fritze). Kontrapunkte (Contrepoints) avec le Ballet d'État proposera un trio de chorégraphies et compositeurs : Anne Teresa De Keersmaeker, Merce Cunningham et Hans van Manen, Bach, Cage et Schumann en septembre à Vienne puis en novembre au Theater im Pfalzbau à Ludwigshafen en Allemagne. Le travail avec le Ballet se poursuivra par Un Requiem allemand de Brahms chorégraphié par Martin Schläpfer réunissant les solistes sopranos Rebecca Nelsen et Anita Götz, les barytons Markus Marquardt et Alexandre Beuchat sous les baguettes de Roger Díaz-Cajamarca et Ben Glassberg. Begegnungen (Rencontres) dansera sur une chorégraphie d'Andrey Kaydanovskiy, avec des préludes de Chopin, le 4ème Concerto pour piano de Beethoven et lux umbra du compositeur autrichien Christof Dienz (œuvre commandée par le Ballet d'État et achevée en janvier 2022).
La reprise semi-scénique signée Florian Hurler du Livre de la jungle (avec les musiques de Richard Sherman et Robert Sherman immortalisées par Disney, dans l'adaptation en langue allemande de Florian Hurler et Christoph Wagner-Trenkwitz, dramaturge en chef de la maison) reviendra une fois par mois tout au long de la saison, avec Juliette Khalil (Mogli), Christian Graf (conteur / Baghira), Wolfgang Gratschmaier (le colonel Hathi) et Maximilian Klakow (Baloo).
La comédie musicale Cabaret mise en scène par Gil Mehmert avec la chorégraphie de Melissa King reviendra par trois fois, dirigée en alternance par Tobias Wögerer et Manuela Ranno, avec Ruth Brauer-Kvam (le conférencier), Bettina Mönch (Sally Bowles), Jörn-Felix Alt / Olivier Liebl (Clifford Bradshaw).
La reprise attendue de La Veuve joyeuse dans la mise en scène de Marco Arturo Marelli aura lieu en novembre puis janvier. La direction musicale sera assurée en alternance par Alexandre Joel et Tobias Wögerer, et la distribution réunira Rebecca Nelsen / Nadja Mchantaf (Hanna Glawari), Daniel Schmutzhard / Alexandre Beuchat (le comte Danilo), Sebastian Reinthaller (le baron Mirko Zeta) et Hedwig Ritter / Theresa Dax (Valencienne, la femme du baron).
La reprise de My Fair Lady (version allemande de Robert Gilbert), dans la mise en scène de Robert Herzl (débutée en 2003) qui fait partie des traditions de la maison, reviendra en décembre puis janvier 2023. La direction musicale sera assurée par Roger-Díaz-Cajamarca et la distribution figurera Lisa Habermann / Juliette Khalil (Eliza Doolittle), Axel Herrig (Henry Higgins), Kurt Schreibmayer (le colonel Pickering), Martin Winkler / Robert Meyer (Alfred P. Doolittle).
Hansel et Gretel dans la mise en scène de Karl Dönch sera repris en décembre et janvier avec, dans les rôles-titres, Annelie Sophie Müller et Anita Götz alternant avec Wallis Giunta et Alexandra Flood et dans le rôle parlé de la sorcière Karl-Michael Ebner / Ulrike Steinsky.
Les reprises de l'année 2023 commenceront par la comédie musicale Lady in the Dark dans la mise en scène de Matthias David. La direction musicale sera assurée par James Holmes et la distribution associera Julia Koci (Liza Elliott), Christian Graf (Charley Johnson), Axel Herrig (Kendall Nesbitt) et Jakob Semotan (Russell Paxton).
Les Noces de Figaro signée Marco Arturo Marelli seront célébrées les quatre premiers mois de l'année, avec Orhan Yildiz / Andrei Bondarenko (le comte Almaviva), Anett Fritsch (la comtesse Almaviva), Lauren Urquhart / Theresa Dax (Susanna) et Evan Hughes (Figaro).
La comtesse Maritza dans la mise en scène de Thomas Enzinger reviendra ensuite, conduite par Alfred Eschwé et Manuela Ranno avec Ursula Pfitzner dans le rôle-titre, Jason Kim et Carsten Süss en comte Tassilo, Lauren Urquhart / Hedwig Ritter (Lisa, sœur de Tassilo) et Kurt Schreibmayer (le prince Populescu). La Traviata de Verdi par Hans Gratzer sera incarnée par Hila Baggio et Rebecca Nelsen, avec JunHo You / Jason Kim (Alfredo Germont), Andrei Bondarenko / Orhan Yildiz (Giorgio Germont) sous la baguette d'Alexander Joel et Tobias Wögerer.
La célèbre comédie musicale de Rodgers et Hammerstein The Sound of Music (La Mélodie du bonheur) reviendra dans la mise en scène signée Renaud Doucet et André Barbe sous la direction musicale alternée de Keren Kagarlitsky et Tobias Wögerer avec Lauren Urquhart / Wallis Giunta (Maria) et Axel Herrig (le capitaine von Trapp).
Le Vaisseau fantôme de Richard Wagner reviendra avec Josef Wagner dans le rôle principal, Cornelia Beskow (Senta), Stefan Cerny (Daland) et Stephanie Maitland / Annely Peebo (Mary) dirigés par Ben Glassberg pour cette mise en scène de Frank Philipp Schlößmann.
La comédie musicale d'Harold Arlen Le Magicien d'Oz dans la version allemande de Klaus Eidam sera conduite par Ben Glassberg, avec Juliette Khalil (Dorothy), Thomas Sigwald (le magicien d'Oz), Regula Rosin (Glinda, la gentille magicienne du Nord) et Christian Graf (la méchante magicienne de l'Ouest).
La maison s'ouvre davantage au jeune public, avec de nombreuses visites scolaires et des productions dédiées, à commencer par une version pour enfants de La Cenerentola maison présentée tout au long de la saison, sous la direction musicale de Manuela Ranno, avec Annelie Sophie Müller / Wallis Giunta (Angelina), Pablo Santa Cruz (Don Magnifico), Ben Connor (Dandini) et Johanna Arrouas dans le rôle ajouté de narratrice.
Steef de Jong (homme de théâtre néerlandais) concevra un événement particulier sous forme de matinée familiale « Ein Papp-Konzert » (Un concert avec des hommes de carton) réunissant des extraits d'Orphée aux Enfers, La Chauve-Souris, Le Tsarévitch (opérette en trois actes de Franz Lehár) et Un Rêve de valse (d'Oscar Straus) avec le chef Alexander Joel, Anita Götz et Jason Kim. Une autre occasion particulière, aussi destinée aux enfants : Märchenkonzert (le concert de conte de fées) par la compositrice turque Sinem Altan avec Thomas Sutter à la baguette, avec Ali Bulgan (le narrateur) et Begüm Tüzemen (la chanteuse). L'ensemble Olivinn, fondé par la compositrice et au sein duquel elle tient le piano, assurera une collaboration avec deux percussionnistes de l'Orchestre du Volksoper.
Vienna Pride présentera ensuite une comédie musicale, Nicht die Väter (Non pas les pères) composée par Erik Vlasblom, dans la mise en scène de Mijke de Jong, avec Vijay Upadhyaya dirigeant le "Vienna Gay Men's Chorus". Enfin, un concert interactif intégrera de nombreux chœurs de profils différents : « 1000 Stimmen » invitant aussi le public à chanter en chœur.
La richesse de la nouvelle saison et de ce nouveau mandat vise ainsi à attirer différents publics, dans une plus large ouverture des formats et habitudes de l'opéra, tout en renforçant l'ancrage de l'art lyrique dans des événements spécifiques de la ville. Le maintien des traditions, pratiques et esthétiques de la maison vise à en faire un lieu de rencontre et de collaboration entre les membres permanents et les artistes invités. En somme, un programme riche visant le dialogue et des ponts entre l'opéra et d'autres formes du théâtre musical.