Le Barbier de Séville poursuit les couleurs andalouses du Festival de Sanxay
Le metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau signe également scénographie et costumes (de cette production appréciée à Strasbourg, Saint-Étienne et Rouen) pour transporter l'assistance en terres andalouses. Le public est admiratif devant les couleurs chaudes (rouge orangé andalou autant que bleutées nord-africaines, le tout sous le jaune d'un chaleureux soleil) et tire grandement plaisir face à cette production traditionnelle aux accents de théâtre burlesque. La création lumières de Gilles Gentner capte et traduit l'atmosphère de cette Espagne Andalouse, renforçant encore le relief et la clarté du décor (seul bémol, peut-être dû aux aléas de la régie en plein air, Bertha est très peu éclairée pour son air, pourtant l'un des moments les plus piquants de la soirée).
Les costumes sont du même acabit, Figaro presque en toréador avec sa petite veste courte (tissant d'autant mieux des liens stylistiques qu'il est ici incarné par Florian Sempey, qui chantait Escamillo ici même l'été dernier). Bartolo trahit son esprit très conservateur avec son gilet et pantalon stricts et d'époque, tandis que Basilio est en tenue de moine (vêtement que lui prendra le comte, en échange de sa propre mise raffinée). Chez ces dames, Bertha ressemble à une sœur Tipiak tandis que Rosina porte de magnifiques tenues, presque à la Carmen : notamment une robe longue bleu Méditerranée et rouge orangé évoquant le style flamenco électrique. Le chœur d'hommes (réuni pour le Festival) n'est pas négligé, leurs tenues à base de noir et blanc cachant des couleurs bariolées et des capes de toréador. Vocalement, le travail du chef de chœur Stefano Visconti, se fait remarquer comme à son habitude, les 22 voix offrant équilibre total et précision avec une efficacité homogène.
Le jeune chef d'orchestre Marc Leroy-Calatayud qui fait ses débuts à Sanxay avait déjà dirigé Florian Sempey en Barbier à l'Opéra national de Bordeaux (dans la mise en scène de Laurent Pelly en 2019). Son style de direction n'est pas flamboyant, imposant ou particulièrement charismatique mais plutôt efficace, clair, précis et souple. L'ouverture n'en est pas moins emplie de vitalité et même d'excitation jouissive. La coordination entre la fosse d'orchestre et la scène est complètement maîtrisée, sans le moindre décalage dans ce grand espace de théâtre antique en plein air. Les choix des tempi sont justes, assez rapides pour déployer la dynamique, sans être trop rapide pour la précision des vocalises des chanteurs. L'Orchestre des Soirées Lyriques de Sanxay ne cesse ainsi de gagner en qualité au fil des éditions.
Le travail du pianiste Félix Ramos (issu de l'Académie de l'Opéra de Paris) comme accompagnateur des récitatifs est remarqué par son originalité très inventive, sans perdre le style de Gioachino Rossini ni un seul moment ou accent dans le dialogue avec le chant.
Florian Sempey incarne le rôle-titre, toujours aussi affûté. Auréolé de sa réputation internationale dans ce répertoire, il se montre à nouveau en pleine forme vocale, plus vif encore qu'en Escamillo l'été dernier. Conquérant l'acoustique et le public d'emblée, il déploie sa voix large et taillée, au timbre rond et riche avec constance toute la soirée durant (sans négliger le caractère piquant de son jeu).
Le ténor russe Yaroslav Abaimov campe un Comte Almaviva de noble tenue et d'une certaine classe, seyant à sa voix de tenorino au joli timbre léger, bien présente durant les récitatifs mais qui se trouve couverte par l'orchestre et les ensembles (sa voix mixte non appuyée pâtissant assurément des enjeux du plein air).
La mezzo-soprano Marina Viotti a les qualités du rôle de Rosine : amusante comédienne au contact facile avec le public qu'elle fait rire aux éclats, elle laisse parfois même sa voix lyrique de côté pour renforcer ce côté comique (mais son chant reste présent, même dans les ensembles). La richesse de son timbre s'allie avec son agilité facile ou bien une voix plus droite.
Dans le rôle de Bertha la jeune soprano Andreea Soare propose elle aussi l'exquis mariage du théâtral et du lyrique. Son personnage de Bretonne perdue en vacances à Séville sert la comédie mais permet d'apprécier le vrai lyrisme de sa voix, avec des ornements dans le style Rossinien, très bien exécutés et de bon goût.
Le baryton-basse Paolo Bordogna interprète le rôle de Bartolo avec les qualités cardinales de ce répertoire : les facilités de son jeu d'acteur ainsi que d'une voix d'ample taille et sonore (y compris dans les passages rapides, articulés avec précision).
Emanuele Cordaro offre à Basilio son chant riche, ample, rond et sonore, de grande qualité et maîtrise. Enfin, le jeune baryton sud-coréen Yoonsung Choi se voit confier les rôles de Fiorello et d'un officier, leur offrant sa voix d'ample taille et d'un beau timbre.
Cette agréable soirée est chaleureusement saluée par le public, nombreux et heureux.