Le Sénat prône une réouverture des lieux culturels
“Il n’existe aucun fondement scientifique à maintenir tous les lieux culturels fermés. S’il faut évidemment tenir compte des contraintes sanitaires, on peut tout à fait commencer à lever les restrictions dès la fin du confinement", résume ainsi le Président de cette mission, Bernard Jomier (Sénateur de Paris et médecin).
Sept commissions permanentes sont établies au Sénat (affaires économiques, étrangères, sociales, territoire, culture, finances et lois) afin de légiférer, mais aussi d'assurer l'information des sénateurs (et des citoyens via la communication de leurs travaux). Six missions d'informations constituées par ces commissions sont actuellement en cours : sur la méthanisation, l'enseignement agricole, la précarisation, l'égalité des chances, la vie étudiante ainsi que sur "les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités". Or, cette dernière mission d'information s'intéresse précisément aux impacts de la fermeture des lieux culturels à travers les territoires.
Suite à la désignation des 19 membres issus des différents groupes politiques du Sénat et à la composition du bureau en janvier, la Mission d'information a organisé trois tables rondes en mars réunissant en téléconférence des syndicats nationaux du spectacle (et un Professeur de santé publique à Genève), puis des représentants de Festivals (Eurockéennes, Avignon, Vieilles Charrues, Rencontres d'Arles), avant d'interroger “des représentants d’institutions culturelles internationales demeurées ouvertes” : Joan Matabosch Directeur du Teatro Real de Madrid, ainsi que les responsables de lieux ayant rouvert en décembre comme les Musées de Wallonie-Bruxelles et de Gand, également de Naples qui venait tout juste de fermer à nouveau, mais aussi Aviel Cahn Directeur Général du Grand Théâtre de Genève qui a dû enregistrer à huis clos ou annuler l’essentiel de sa programmation, avec de surcroît l’audition d'une virologue. L'audition de la Ministre de la Culture a été reportée, Roselyne Bachelot sortant de convalescence et venant de rejoindre ses bureaux (contacté, le Ministère n'a pas communiqué la date de report éventuel, ni les réponses apportées à cette mission sénatoriale).
Suite à ces travaux, la Mission d'information recommande clairement de "rouvrir les musées et monuments, les cinémas et les salles de spectacles en format assis dès la levée des mesures de restrictions en vigueur dans toute la France". Alors que les différents secteurs ne savent ni quand ils pourront reprendre leurs activités dans l'absolu, ni les uns par rapport aux autres, le Sénat (via ses membres choisis et jugés représentatifs) recommande donc que les lieux culturels rouvrent en même temps que les commerces non-essentiels, lieux de restauration et même avec la levée des confinements, couvres-feux et autres limitations des déplacements. Ce scénario permettrait une reprise des activités culturelles dès la mi-mai si cette échéance marque effectivement la fin du confinement actuel, ou bien permettrait au moins que cette reprise ne soit pas davantage prolongée que les autres restrictions et par rapport aux autres secteurs touchés (montrant que la fermeture des lieux de culture est aussi insupportable que les autres restrictions de liberté, et que les activités culturelles ne sont pas davantage dangereuses que les autres). Dans les recommandations du Sénat (lieu où d'ailleurs la cantine et la buvette sont restées ouvertes comme pour les autres systèmes de restauration collective, à l'école et en entreprise), les bars et buvettes des lieux culturels seraient même amenés à reprendre leurs activités, en se conformant aux mêmes règles que "celles applicables de manière générale au niveau national ou, le cas échéant, local."
La Mission d'information envisage bien entendu que la réouverture aux spectateurs se fasse avec des jauges adaptées, en paliers successifs, mais selon des critères différenciés, adaptés à la réalité des salles : leur volume, la disposition et les conditions de ventilation notamment, ce qui aurait ainsi permis de rouvrir depuis longtemps la Philharmonie de Paris entre autres, une étude ayant montré que le risque n'y est pas plus important qu'en extérieur.
La question des études, enquêtes et expérimentations est de fait à ce point capitale qu'elle fait l'objet de la deuxième proposition sénatoriale : "accélérer et amplifier les expérimentations cliniques dans différentes configurations en ce qui concerne les concerts à jauge debout". Le Sénat distingue ainsi les salles assises espacées des salles debout (montrant les défauts de la logique actuelle consistant à attendre des résultats concernant les secondes, avant de rouvrir les premières bien moins problématiques). De surcroît, la chambre haute du Parlement pointe ainsi en creux le retard pris par les concerts-tests en France : non seulement les autorités de notre pays refusent de prendre en considération toutes les études menées par les très sérieuses institutions de nos pays voisins, mais les deux concerts-tests annoncés pour février dans l'Hexagone sont toujours en attente du feu vert de l'Etat, et auront donc lieu au plus tôt en mai (au point que si la campagne de vaccination fonctionnait, les conclusions de ces concerts-tests arriveraient donc trop tard pour être utiles).
La Mission d'information du Sénat dresse également des recommandations sur le plan budgétaire et souhaite ainsi la création d'un "fonds pour l’équipement des salles en systèmes d’aération et de ventilation plus performants et en soutenant le développement des offres numériques", abordant directement ces questions scientifiques et technologiques actuelles, et préparant l'avenir au cas où d'autres pandémies séviraient (ou bien déjà les répliques de ce Covid-19). Deux autres propositions encouragent le développement et la pérennité des aides et garanties financières assurées par l'Etat aux lieux culturels.
Les six autres propositions concernent les modalités de reprise, en mettant à profit la subsidiarité, la gestion au plus près des situations et avec les nouveaux outils (autant de compétences et de paramètres que le Gouvernement est accusé par le parlement par ailleurs et régulièrement de ne pas avoir assez pris en compte, tout comme la gestion de la crise sanitaire par le biais du Conseil de Défense est accusé d'entraver l'action et la proposition parlementaires pour aider à gérer la crise). Pour les salles de spectacle puis pour les Festivals, leur ouverture et organisation serait soumise "à l’autorisation du préfet, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, afin de garantir un contrôle du protocole sanitaire présenté par l’établissement et de l’adéquation de la programmation à celui-ci." Les spectateurs devraient également acquérir leur billet avant de se rendre sur les lieux de représentation.
Le Sénat répond également à un autre argument avancé par le Gouvernement pour maintenir les lieux culturels fermés : parce qu'ils engendreraient des regroupements. Une des préconisations sénatoriales rappelle en effet que les lieux culturels permettent de contrôler et de sensibiliser les citoyens au respect des gestes barrières, et permettraient même de raviver l'attention portée sur les occasions bien plus dangereuses de contamination via la "diffusion de messages, en début ou en fin de séance ou de spectacle" contribuant "à la prise de conscience par leur public de l’importance de ces gestes et des dangers encourus lors des réunions privées avec la famille élargie ou des amis."
La neuvième proposition aborde même la question brûlante du "passeport vaccinal", présenté non pas comme un outil restreignant les libertés de certains citoyens, mais au contraire comme un "pass sanitaire" (dont il faudrait toutefois "envisager d’imposer l’obligation"), mais qui autoriserait ainsi "l’accès aux spectacles et festivals de grande jauge, afin de rendre possible leur tenue" soit grâce à un certificat de vaccination, soit par la présentation du résultat négatif d’un test. Encore faut-il que la campagne de vaccination progresse, comme le rappelle d'ailleurs le Sénat, qui exclut "l’instauration du passeport vaccinal tant que l’ensemble des citoyens n’est pas mis en situation de se faire vacciner".